Festival d’Aix-en-Provence 2014: “Die Zauberflöte”

Festival d’Aix-en-Provence 2014
“DIE ZAUBERFLÖTE”
Opéra en deux actes. Livret Emmanuel Schikaneder
Musique Wolfgang Amadeus Mozart
Tamino STANISLAS DE BARBEYRAC
Sarastro CHRISTOF FISCHESSER
Der Sprecher MAARTEN KONINGSBERGER
Die Königin der Nacht KATHRYN  LEWEK
Pamina MARI ERIKSMOEN
Erste Dame ANA-MARIA LABIN
Zweite Dame SILVIA DE LA MUELA
Dritte Dame CLAUDIA HUCKLE
Papagena REGULA MÜHLEMANN
Papageno THOMAS OLIEMANS
Monostatos ANDREAS CONRAD
Erster Geharnischter/Zweiter Priester ELMAR GILBERTSSON
Ester Priester/Zweiter Geharnischter KRYSZTOF BACZYK
Dei Knaben Solistes du Knabenchor der Chorakademie Dortmund
Orchestre Freiburger Barockorchester
Choeur English Voices
Direction musicale Pablo Heras-Casado
Mise en scène Simon McBurney
Décors Michael Levine
Costumes Nicky Gillibrand
Lumière Jean Kalman
Vidéo Finn Ross
Son Gareth Fry
Aix-en-Provence, le 2 Juillet 2014

Wolfgang Amadeus Mozart est chez lui au Festival d’Aix-en Provence et Bernard Foccroulle, son directeur, semble vouloir continuer cette tradition qui a fait les grandes heures de ce festival depuis sa création en 1948. C’est donc “La Flûte enchantée”, le dernier et peut-être le plus populaire des opéras écrits par Mozart, que le Festival d’Aix-en-Provence avait choisi de nous présenter en cette soirée d’ouverture de la saison 2014. La première était donc prévue pour ce mercredi 2 juillet et l’on avait pu craindre quelques perturbations créées par la grève annoncée par les intermittents du spectacle en colère. Il n’en fut rien. Les intermittents du spectacle ont besoin des théâtres qui les emploient, et le public et les théâtres ont aussi besoin de ces artistes sans qui les spectacles n’auraient pas lieu ; et c’est pour parler dans ce sens que le metteur en scène Simon McBurney a pris la parole en début de spectacle, sous les applaudissements d’un public conscient des difficultés de certains artistes.
Devant une scène ouverte laissant apparaître le dispositif scénique imaginé par Michael Levine, on réalise tout de suite que cette Flûte enchantée, sera moderne et particulière. Aucun décor, si ce n’est quelques structures métalliques qui soutiennent les projecteurs, et un immense plateau suspendu par des câbles que l’on peut monter ou descendre selon les besoins ; des détails amusant qui ne choquent en rien mais qui nous font pénétrer dans l’envers du décor : côté cour, une cabine de bruitage transparente bien imaginée par Gareth Fry, et une table de projection réalisée par Finn Ross, côté jardin.
Tout est noir et le choeur est disposé sur un alignement de chaises, le rideau est levé. Le ton est donné avec les costumes de Nicky Gillibrand; des costumes de ville, sombres et stricts qui nous font comprendre que le côté féerique ne viendra pas des couleurs ou des lumières éclatantes. Ce mélange de styles dans les vêtements n’empêche en aucune façon la compréhension de la pièce pour qui la connaît un tant soit peu. Les trois Dames sont tout d’abord vêtues de tenues de combat, sans doute est-ce normal lorsque l’on vient combattre le monstre fait serpent, mais elles s’empressent de se dévêtir pour tenter de séduire le Prince Tamino.
Simon McBurney, ne change en rien le sens de cette pièce initiatique, mais il la rend plus actuelle et plus réaliste.Sarastro et les prêtres sont des hommes sérieux et dignes, décidant du sort de Tamino devant une grande table ainsi que le font sans doute les frères maçons pour les initiations. C’est une vision particulière et assez sérieuse où la Reine de la Nuit, privée de costumes lumineux a pour tout trône une chaise roulante qu’elle meut avec célérité. Tout est assez sombres et les lumières pensées par Jean Kalman n’éclairent que l’avant scène ou les personnages principaux. Les seules couleurs viennent du costume de Papageno, qui ne porte pas l’habit fait de plumes d’oiseaux, et dont la veste est subtilement tachée par quelques fientes de volatiles. Mais tout ceci n’est qu’accessoire et l’on suit la pièce avec beaucoup d’intérêt et de plaisir. Le deuxième acte est peut-être un peu plus languissant, le manque de lumière finit par lasser et malgré un Papageno facétieux et en grande forme, l’ennui commence à s’installer. Les trois garçons, dans des costumes de ” jeunes vieillards ” apportent un peu de fraîcheur. L’épreuve du feu purificateur et surtout l’épreuve de l’eau dans laquelle Pamina et Tamino nagent librement sont très bien imaginées et rendent un peu le côté magique qui doit imprégner la pièce. Vocalement il n’y a pas de grandes voix à proprement parler, mais il y a ici, des voix homogènes et qui donnent une unité à ce spectacle. Stanislas de Barbeyrac, révélation Artiste lyrique des Victoires de la Musique 2014, a le physique et la voix pour chanter Tamino ; déjà apprécié à Marseille et à Toulon, il semble à l’aise pour cette prise de rôle. Sa voix est claire et bien placée laissant apprécier un timbre rond et coloré, avec une belle technique et un legato qui lui permettent de belles nuances et des vocalises chantées avec souplesse et musicalité.
Christof Fischesser campe un Sorastro à la belle allure, en long manteau sombre il représente aussi bien un grand prêtre qu’un Maître de Loge maçonnique. Sa voix de basse descend dans les notes graves donnant de la profondeur à son personnage ; sa voix, assez confidentielle lorsqu’il est en fond de scène, prend plus d’ampleur dans son Air, qu’il chante avec musicalité.
Thomas Oliemans, baryton, s’impose dans un Papageno juste, enlevé et parfois touchant. Il est drôle sans excès et vocalement il est aussi à l’aise que scéniquement. Il fait sonner avec malice des bouteilles, telles des carillons, avec des poireaux pour baguettes; mais pourquoi des poireaux, symbole du pays de Galles ? Quelque minutes de facéties pour une pièce qui sait aussi être légère. Il a une très bonne diction et fait résonner sa voix dans de jolies nuances avec un legato mélodieux.Le ténor Andreas Conrad joue Monostratos sans trop appuyer son rôle, sa voix au timbre particulier passe avec justesse sansrechercher l’effet.
Maarten Koningsberger: Der Sprecher, baryton, a une bonne diction et une voix bien placée, Elmar Gilbertsson et Krysztof Baczyk, respectivement Zweiter Priester et Ester Priester, sont tout à fait dans l’homogénéité des voix des autres personnages, avec un jeu sobre et faisant preuve de musicalité. Kathryn Lewek, est une Reine de la Nuit étonnante dans ce rôle de vieille femme ; il est difficile de chanter avec une voix naturelle, vocalisant avec agilité, faisant résonner son staccato jusqu’à un contre-fa vertigineux, tout en se courbant sur une canne ou tout en poussant son fauteuil roulant. Mais pari réussi, la voix est claire, nette, juste et cristalline. Il est simplement dommage que l’impact de ses vocalises chantées dans ce fauteuil soit moindre, pour une difficulté plus grande. La Pamina de Mari Eriksmoen est remplie de fraîcheur et de sensibilité, elle forme avec Tamino un couple idéal, passant chaque épreuve avec succès ; jeu sobre et naïf, avec de jolis aigus assurés et colorés, elle sait être aussi très déterminée.Regula Mühlemann, est une Papagena charmante et amusante dont la voix pure et claire demanderait à être entendue plus longuement.
Ana-Maria Labin, Silvia de la Muela et Claudia Huckle, les trois Dames, sont à la hauteur de cette distribution avec des voix qui se fondent, une diction parfaite et un jeu fluide approprié. Les trois jeunes garçons, représenté en ” petits vieillards ”  sont annoncés, ainsi que Papageno par un jeu d’ombres chinoises du plus joli effet. Ils remportent un vif succès avec leurs voix enfantines claires et d’une justesse parfaite.L’English Voices, fait aussi une belle prestation dans un bel ensemble de voix aux attaques précises. Le Freiburger Barockorchester, dirigé avec maestria par Pablo Heras-Casado, apporte avec ses instruments anciens une rondeur de son et une dynamique exceptionnelles. Il semble avoir trouvé le chef qui lui convient. Avec son physique juvénile, le jeune chef espagnol impose sa vision de la partition avec la gestuelle parfaite et précise de sa direction sans baguette. C’est une Flûte Enchantée qui ressemble par sa conception sobre à du beau théâtre musical, un théâtre à message où rien n’est laissé au hasard, un rien confidentiel à cause des lumières. Une Flûte Enchantée qui a enthousiasmé le public par sa nouveauté et sa précision.