Opéra de Toulon: Serge Baudo & Alexandre Tharaud

Opéra de Toulon, saison symphonique 2014 / 2015
Orchestre de l’Opéra de Toulon
Direction musicale Serge Baudo
Piano   Alexandre Tharaud
Toru Takemitsu: “How slow the wind”
Ludwig van Beethoven:  Concerto pour piano No5 ” l’Empereur ”
Maurice Ravel: “Le tombeau de Couperin”
Igor Stravinsky:  “Pulcinella”, suite sur des thèmes de Pergolèse
Toulon, le 5 décembre 2014
Une soirée de musiques très diverses nous était proposée ce vendredi 5 décembre à l’Opéra de Toulon. Si ce concert réunissait des compositeurs de cultures différentes, il réussissait néanmoins à garder une esthétique musicale cohérente tout au long du programme. C’est une oeuvre du compositeur japonais Toru Takemitsu qui débutait cette soirée. Bien que décédé en 1996, Toru Takemitsu est un compositeur tout à fait contemporain ; et s’il est, dès les années 50, fortement influencé par la musique occidentale, il n’en reste pas moins attaché à la culture orientale qui est la sienne. ” How slow the wind ” est une composition basée sur les sons, les atmosphères, et qui va au delà de la simple écoute. C’est une musique qui s’adresse à l’âme par ses sonorités célestes et ses touches impressionnistes, ou plus floues qui font penser à la peinture d’un Turner. Serge Baudo, chef d’orchestre à la carrière impressionnante, dirige avec l’élégance d’un éternel jeune homme cette musique qui évoque par sa délicatesse certaines compositions françaises. Cordes pincées, cordes frappées, longues tenues des violons, sons sourds ou plus aigus au piccolo, font ressortir des atmosphères nostalgiques réveillées par quelques notes tombées en gouttes d’eau. Avec des gestes clairs qui gardent une constante souplesse, le Maestro dirige l’orchestre en faisant ressortir les couleurs et les sonorités qui sont la signature de ce compositeur. Alexandre Tharaud interprétait, pour continuer ce concert, le concerto No5 ” L’Empereur ” de Ludwig van Beethoven . Ce pianiste à l’allure juvénile, est lauréat de nombreux prix. Son parcours atypique le mène vers le cinéma qui le fera connaître du grand public. Il aborde ce concerto – sans doute le plus connu du compositeur – d’une manière délicate, avec un jeu clair et perlé qui fait ressortir ses trilles cristallins. Mais si nous lui reconnaissons ses belles qualités qui font apprécier son joli toucher et la musicalité du mouvement lent où ressortent de belles nuances, nous devons reconnaître que son interprétation souvent scolaire manque de panache dans les envolées beethovéniennes. Un Empereur très sage qui n’exclut pas quelques beaux moments de musique. Un bis sensible et musical avec ce prélude de Bach, transcrit par Alexandre Ziloti, qui semble mieux convenir à la musicalité contenue dans le jeu d’Alexandre Tharaud, finissait cette première partie dans une grande délicatesse. En deuxième partie, deux oeuvres de compositeurs très différents, mais deux oeuvres qui ont entre elles un lien très fort : l’année de composition tout d’abord, et la référence à deux compositeurs du XVIIIe siècle. Nous restons ainsi dans l’élégance des danses de l’époque de François Couperin évoquées par Maurice Ravel, ou des tribulations d’un ” Polichinelle ” de la commedia dell’arte imaginé par Igor Stravinsky, dont l’écriture et les thèmes sont empruntés à Giovanni Battista Pergolesi. Serge Baudo, très habité par la musique française, dirige l’oeuvre de Maurice Ravel dans des tempi justes, passant du Prélude aux danses elles mêmes, d’une Forlane coquine, à un Menuet plus distingué. Laissant respirer la musique et les éventuels danseurs, il fait ressortir les couleurs en posant les notes, donnant à chacune d’elles une valeur particulière, jusqu’à un Rigaudon plus rustique. Une direction délicate où chaque instrument soliste prend sa place et rend les atmosphères recherchées par le compositeur, avec ce léger balancement qui apporte souplesse et fluidité à l’interprétation. Pour ce Pulcinella, Igor Stravinsky revient à une écriture neoclassique où les influences des musiques baroques et napolitaines se mélangent. Les musiques du passé aux atmosphères tendres, font suite à la musique de Maurice Ravel, dans une continuité de sonorités. Deux orchestres, dont un quintette à cordes soliste, se répondent ou conversent dans un savant dosage de sonorités et de nuances. L’orchestre, dans une recherche de perfection, reprend les teintes des instruments solistes pour se fondre  avec une grande justesse dans un dialogue à plusieurs voix. On sent un travail d’ensemble, dirigé par un chef d’orchestre qui a su insuffler plus qu’imposer, sa propre vision de l’oeuvre. Si chaque soliste a su se faire remarquer, on retient tout de même le fameux solo de contrebasse, et l’on dit aussi bravo au hautbois solo, mis à l’honneur tout au long de ce programme. Un petit bijou de la musique françaisee :  La sicilienne du Pelléas et Mélisande de Gabriel Fauré, nous était offert en bis, dans une interprétation qui fait suite à la délicatesse du programme et nous conforte dans l’idée que le Maestro Serge Baudo reste une référence pour la musique française, avec ses respirations qui sont l’essence même du style français de cette époque. Avec un grand bravo à l’orchestre qui a su garder une homogénéité d’interprétation.