Chorégies d’Orange 2015: Myung Whun Chung, Martha Argerich, Nicholas Angelich

Chorégies d’Orange 2015
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction musicale Myung Whun Chung
Pianos Martha Argerich, Nicholas Angelich
Hector Berlioz : Carnaval Romain, opus 9 – ouverture
Francis Poulenc: Concerto pour deux pianos et orchestre, en ré mineur, FP 61
Camille Saint-Saëns:   Symphonie No3, avec orgue, en ut mineur, opus 78
Orange, le 10 juillet 2015
S’il est des soirées à marquer d’une pierre blanche, celle du 10 juillet passée aux Chorégies d’Orange est de celles là sans un souffle d’air et avec des milliers d’étoiles pour illuminer la voûte céleste. ce concert était reçu comme un hommage au chef coréen Myung Whun Chung qui dirigeait pour la dernière fois l’Orchestre Philharmonique de Radio France, son orchestre depuis 15 ans. Soirée émouvante donc pour le chef, les musiciens et le public à l’occasion de ces adieux en musique. Au programme, de la musique française. Et quel programme ! L’Ouverture du Carnaval Romain d’Hector Berlioz, le Concerto pour 2 pianos de Francis Poulenc et la Symphonie No3 avec orgue de Camille Saint-Saëns. Cette brillante ouverture, où Berlioz reprend quelques thèmes de son opéra Benvenuto Cellini, interprétée de façon magistrale, est écrite de manière à faire ressortir les instruments de l’orchestre avec brio ou avec plus de tendresse, ou même encore avec mélancolie, ainsi l’utilisation du cor anglais comme dans sa Symphonie Fantastique. Avec une gestuelle large et précise, Myung Whun Chung, qui laisse sonner les longues tenues du cor ou les alti dans un thème langoureux, a su tirer des sons veloutés d’un orchestre toujours à l’écoute de chaque instrument. Dans cette ouverture brillantissime, les rythmes sont précis et les spiccati sont joués si legerissimo que l’on croit voir virevolter les masques d’un carnaval endiablé. Tout est joué avec finesse et précision pour finir par un immense crescendo sans dureté. Le concerto pour 2 pianos de Françis poulenc, que le compositeur interpréta aux côtés de Jacques Février lors de sa création en 1932, fait ressortir humour et tendresse dans ces harmonies spécifiques à la musique de Françis Poulenc. Après une courte introduction à l’orchestre, où l’on remarque déjà le jeu des sonorités et des couleurs, Martha Argerich et Nicholas Angelich nous entraînent dans une promenade sous les étoiles avec de jolis ralentis qui laissent respirer la musique. Le jeu auquel Martha Argerich nous a habitués est toujours aussi suave, avec un toucher qui reste délicat jusque dans ses affirmations ; et si les notes sonnent plus sèches sous les doigts de Nicholas Angelich, il arrive à entrer dans la musicalité de sa partenaire qui, très à l’aise est au mieux de sa forme. Myung Whun Chung sait faire ressortir toute la tendresse et l’humour contenus dans ces harmonies, qui font penser aux Mamelles de Tiresias du même compositeur, dans des changements de tempi qui semblent aller d’eux mêmes. Avec aisance et naturel, les deux pianistes changent de genre et de style dans une même esthétique musicale. Le jeu perlé de Martha Argerich qui fait sonner les notes telles des gouttes d’eau fait merveille dans ce vaste Théâtre Antique. Pour honorer un public plus que chaleureux dont les multiples rappel vont droit au coeur des artistes, les deux soliste et le chef, connu pour être un excellent pianiste, se mettent au piano pour nous régaler d’une valse et Romance de Serge Rachmaninov écrite pour six mains. Mais le plaisir ne s’arrêtait pas là, la somptueuse Symphonie No3 avec orgue de Camille Saint-Saëns allait prendre des dimensions spectaculaires dans ce vaste lieu. Créée en mai 1886 sous la direction du compositeur, cette symphonie souleva immédiatement l’enthousiasme du public et de la critique. Il faut dire que l’emploi de l’orgue dans deux de ses quatre mouvements donne un impact musical que l’on ne retrouve dans aucune autre symphonie. Myung Whun Chung, trouve des sonorités qui semble venir de loin tout en restant présentes avec des gestes larges et néanmoins précis. Des timbales sonores et somptueuses ( un grand bravo au timbalier ) semblent ouvrir les portes à une harmonie en marche qui donne le frisson… et le phrasé des cordes et les résonances des vibrations s’élèvent dans la nuit. Le chef d’orchestre, qui semble diriger de l’intérieur, tient le tempo et l’orchestre, dirigeant d’une baguette de fer dans un étui de velours. Ce sont les sonorités changeantes et les respirations sans précipitation qui donnent le souffle à cette oeuvre monumentale. Rien ne peut résister à l’accord forte de l’orgue dans le dernier mouvement auquel répondent les cordes sur des variations du piano joué à quatre mains. Les cuivres, cymbales et timbales, dans un son de cathédrale apportent une force et une puissance qui semblent défier la statue de Philippe Auguste pourtant toujours debout. Avec des gestes esthétiques, Myung Whun Chung a fait sonner ce merveilleux orchestre de façon à marques les esprits pour un long moment. Des adieux qui, nous l’espérons, ne seront pas définitifs. D’immense bravos et de longs rappels finissaient cette soirée après une ouverture de Carmen jouée en bis avec brio, de façon à nous faire oublier la plus pâle interprétation donnée par le même orchestre lors de la représentation de cet opéra. Un concert d’une portée musicale inoubliable.