Opéra de Toulon: “La Traviata”

Opéra de Toulon, saison 2015 / 2016
“LA TRAVIATA”
Opéra en quatre actes, livret de Francesco Maria Piave, d’après La dame aux Camélias  d’Alexandre Dumas-fils
Musique de Giuseppe Verdi
Violetta Valéry  ANGELA NISI
Flora Bervoix   VALENTINE LEMERCIER
Annina   ELISABETH LANGE
Alfredo Germont   GIUSEPPE TOMMASO
Giorgio Germont   IGOR GNIDII
Docteur Grenvil   FREDERICO BENETTI
Le Baron Douphol   SEBASTIEN LEMOINE
Le Marquis d’Obigny   LUIGI DE DONATO
Gaston de Letorières   KEVIN AMIEL
Giuseppe   DIDIER SICCARDI
Un commissaire   JEAN-FRANCOIS VERDOUX
Un domestique   JEAN DELOBEL
Orchestre, choeur et ballet de l’Opéra de Toulon
Direction musicale   Paolo Olmi
Mise en scène & lumières  Henning Brockhaus
Chorégraphie   Valentina Escobar
Décors   Josef Svoboda
Réadaptation des décors   Benito Leonori
Costumes   Giancarlo Colis
Toulon, le 17 mai 2016
Pour terminer la saison 2015/2016, l’opéra de Toulon avait choisi de réunir les amateurs d’opéras italiens autour de La Traviata de Giuseppe Verdi. Un choix qui remplirait la salle à coup sûr. Si cet opéra créé au Théâtre de la Fenice à Venise le 6 mars 1853 fut considéré comme un échec le soir de la première, la critique et le public étant désorientés par ce drame, intimiste et trop réaliste ; il obtint toutefois plus de succès au fil des représentations. Repris au Théâtre San Benedetto de Venise après quelques aménagements, il recevra un accueil triomphal jamais démenti, devenant même une des oeuvres les plus jouées dans le monde. Le choix de cette production, qui date un peu, est-il judicieux ? nous n’en sommes pas convaincus. Josef Svoboda nous propose des décors avec quelques effets déjà vus, tel ce grand miroir penché, qui reflète les personnages en décalé sur des toiles peintes représentant un immense tableau, la maison à la campagne ou la prairie fleurie qui l’entoure, donnant une certaine pauvreté au spectacle. Seule la chambre de Violetta au dernier acte nous paraît de quelque originalité avec l’utilisation du miroir un peu moins convenue ; et nous voilà projetés, nous, spectateurs, dans les coulisses avec vue sur la salle au delà de la scène. Henning Brockhaus pour la mise en scène et les lumières ne semble pas plus inspiré pour la direction des acteurs que pour les éclairages, et cela contribue à nous donner une impression de  spectacle peu abouti, incluant les éléments sans grande réflexion. Les costumes de Giancarlo Colis ne sont pas créés non plus pour donner plus d’allure au spectacle. Si, respectant l’époque, les hommes sont vêtus de façon conventionnelle, les femmes quant à elles portent des robes sans style particulier, les dénudant assez pour donner l’impression au premier acte que nous sommes invités, non pas chez Violetta, mais dans une maison close ; atmosphère déplacée dans ce spectacle.
Cette production privilégie de jeunes chanteurs, ce qui est en soi très louable ; hélas, ce visuel assez pauvre et peu structuré n’est pas fait pour soutenir les acteurs dans leurs premiers pas. Angela Nisi est ici Violetta Valéry. Cette jeune soprano a l’âge et le physique du rôle, mais Giancarlo Colis ne se servira pas de ces atouts pour la mettre en valeur tant les costumes qu’il a créés sont peu seyants, et ce, jusqu’à la liquette blanche trop courte du dernier acte. Peu à l’aise à son entrée, Angela Nisi prend de l’assurance au cours de la représentation pour être parfaitement touchante et crédible au dernier acte où la lecture de la lettre est empreinte d’émotion et de naturel. Si la voix manque de puissance au début, les aigus agréables et les vocalises à l’aise laissent présager les jolis moments entendus plus tard où timbre et rondeur de voix vont séduire un public qui réservera un franc succès à la jeune soprano italienne. Jeune aussi est Giuseppe Tommaso qui interprète Alfredo. Un couple jeune et bien assorti est toujours plus crédible, mais il faut aussi laisser le temps et l’expérience faire son oeuvre. Comme Violetta au premier acte, Alfredo, avec un timbre un peu vert et des intonations approximatives, ne paraît pas très à l’aise, mais sa voix se réchauffe assez vite dans un chant investi et rythmé grâce à une bonne projection et une excellente diction. Le duo Violetta / Alfredo  du premier acte, un peu scolaire, fera place à un échange touchant au quatrième acte, où les deux voix, ayant trouvé leurs marques, s’exprimeront librement avec chaleur, longueur de souffle et aigus puissants. C’est d’ailleurs cet acte qui fera le succès du spectacle et aussi celui que nous retiendrons pour l’émotion exprimée par les voix et le jeu sensible des deux jeunes chanteurs. Igor Gnidii incarne un Giorgio Germont à la voix large et assurée. Malgré un costume clair, style ” journée à la campagne ”  il a une certaine allure ; mais, avec une direction d’acteur quasi nulle, le baryton franco-ukrainien, ne devra compter que sur sa voix pour imposer son personnage. Si cette voix manque un peu de projection, elle n’en possède pas moins une belle rondeur et un timbre coloré. Un peu jeune pour le rôle, Igor Gnidii sera remarqué pour son chant sensible, ses aigus assurés et la profondeur de sa voix. Dans cette production, les comprimari et seconds rôles sont en place et bien vocalement même si la mise en scène ne les met pas spécialement en valeur, que ce soit Flora ou Annina, respectivement Valentine Lemercier et Elisabeth Lange ou encore le docteur Grenvil, chanté par Federico Benetti, que nous avions apprécié il y a peu sur cette scène dans Tosca ( Angelotti ). Le choeur et le ballet, bien préparés, font preuve d’un bel investissement et d’un grand professionnalisme. Paolo Olmi, qui a très souvent dirigé les plus grands orchestres européens, était ce soir à le tête de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon. Nous retrouvons les couleurs que nous aimons chez ces musiciens, les sons suaves et homogènes avec des solos sensibles de violon ou de clarinette. Nous apprécions une direction musicale sûre, rythmée, qui soutient les chanteurs sans couvrir les voix. Peut-être cette direction est-elle un peu trop sage, mais elle permet à l’orchestre de s’exprimer dans de jolis phrasés. Nous regrettons, comme souvent maintenant, qu’une sorte de mise en scène investisse le plateau alors que l’orchestre joue les interludes, nous distrayant de l’écoute, alors que les violons mettent toute leur sensibilité au service d’une musique éthérée. Si l’on s’attendait à mieux pour le dernier ouvrage de la saison, il faut reconnaître que le dernier acte nous aura procuré l’émotion et le plaisir que nous attendions tout en nous donnant l’envie de suivre la carrière de ces jeunes chanteurs qui ont été appréciés et très applaudis. Photo Frédéric Stéphan