Marseille, Auditorium du Pharo: Alexandra Conunova en concert

Marseille, Auditotium du Pharo, saison 2019/2020
Orchestre Philharmonique de Marseille
Direction musicale Lawrence Foster
Violon Alexandra Conunova
Félix Mendelssohn: “Les Hébrides”, ouverture, op. 26
Max Bruch: “La Fantaisie écossaise” en mi bémol majeur, op. 46
Benjamin Britten: Sea interludes de Peter Grimes, op. 33a
Félix Mendelssonh  “Mer calme et heureux voyage”, ouverture, en ré majeur, op. 27
Marseille, le 15 décembre 2019
En cet après-midi du 15 décembre, et dans la belle salle de l’Auditorium du Pharo, Lawrence Foster retrouve son orchestre pour un concert de musiques dédiées à l’Ecosse et à la mer. C’est dans un tempo allant que Félix Mendelssohn nous emmène sur l’île de Staffa afin d’explorer la Grotte de Fingal. Thèmes bucoliques mais néanmoins mystérieux qui font ressortir les timbales inquiétantes ou le phrasé des violoncelles. Et c’est avec le sens artistique d’un peintre que le maestro fait ressortir les couleurs contenues dans l’écriture de Félix Mendelssohn. Les nuances précises créent les atmosphères, la clarté des sons les lumières et le phrasé des cordes la vision mélancolique des paysages écossais. La baguette énergique du chef d’orchestre nous entraîne dans un discours coloré et imagé, laissant ressortir le son nostalgique de la clarinette ou les notes piquées des trompettes. Moment de charme musical aussi bien que pictural. Ecosse toujours pour la Fantaisie écossaise de Max Bruch avec en soliste la violoniste Alexandra Conunova. Oeuvre en quatre mouvements dédiée à Pablo de Sarasate qui la jouera en concert au ST. Jame’s Hall le 15 mars 1883, sous la baguette du compositeur qui voulait transcrire pour le violon certaines mélodies populaires écossaises. C’est avec un plaisir extrême que nous retrouvons Alexandra Conunova qui nous avait subjugués la saison dernière dans l’interprétation du concerto No2 de Béla Bartok  pour cette oeuvre, moins technique, certes, mais qui demande une grande expressivité, un grand sens du phrasé et une grande maîtrise d’archet. Après une introduction majestueuse, nous sommes sous le charme de ces sons langoureux où le vibrato chaleureux laisse vibrer chaque note. C’est avec un grand calme que la violoniste moldave déploie un archet à la corde, sans aucune tension, mais avec élégance pour des sons purs et soutenus. L’énergie des cordes nous entraîne dans une danse aux sons pleins et marqués tout en accompagnant avec aisance une violoniste qui alterne fermeté et légèreté de l’archet. L’agilité de main gauche n’altère en rien l’élégance du discours dont les phrases romantiques dialoguent avec l’orchestre. Plus énergiques ces accords de danses où la harpe accompagne la main gauche agile de la violoniste. Et c’est sur un tapis orchestral qu’Alexandra Conunova fait ressortir ses qualités techniques et musicales dans des variations où le vibrato chaleureux laisse place, avec humour ou tendresse, à la légèreté du staccato. Une interprétation superbe qui nous fait découvrir une autre facette de cette merveilleuse violoniste qui, malgré le calme de son archet sait faire ressortir, avec la seule aide de son vibrato, toute la flamme intériorisée dans cette musique. Mais il faut aussi noter la justesse et la finesse de l’accompagnement du maestro qui a su épouser les lignes musicales de la soliste et de la composition. En bis, la violoniste nous offre fougue, technique et brio dans le 1er mouvement de la 2ème sonate “Obsession” d’Eugène Ysaÿe, marquant les légères dissonances propres au compositeur dans une superbe conduite d’archet. Main gauche affirmée et justesse sans failles, Alexandra Conunova a encore une fois enthousiasmé le public par la rigueur de sa technique, sa musicalité mais surtout par la passion qui anime son jeu. Avec Benjamin Britten et Sea interludes de Peter Grimes, nous entrons dans un monde tourmenté avec les sonorités étranges des cordes dans l’aiguë, tendues ; inquiétude, teintes en clair-obscur pour une Aube brumeuse. Timbales et grosse caisse créent le mystère dans une justesse d’interprétation et des sonorités appropriées. Plus joyeux est le Dimanche matin qui retrouve l’insouciance populaire dans un tempo plus allant, avec des cloches qui appellent à l’office religieux. Ecriture imagée pour Clair de lune, teintée d’un drame sous-jacent, parfaitement traduite à l’orchestre par un maestro dont la gestuelle précise ou plus large laisse deviner les intentions. Dans un Andante rubato les sombres présages se conçoivent et se perçoivent. La Tempête, musique répétitive avec quelques notes, jouées par la harpe ou la petite harmonie, qui percent et reviennent comme une obsession, mais aussi, peut-être, une pointe d’espoir ? Les dissonances disent que non ; et l’orchestre se déchaîne dans une tempête de sons et d’archets, le vent souffle, les cordes aux attaques incisives marquent le destin qui s’accomplit sous les coups violents des timbales. Superbe interprétation donnée par un orchestre qui sait avec souplesse se glisser dans des musiques très différentes sous la baguette d’un chef talentueux. La mer encore pour ces deux poèmes de Goethe dans l’ouverture Mer calme et heureux voyage de Félix Mendelssohn. Atmosphère un peu nostalgique avec les notes tenues des cordes sur de belles longueurs d’archets ; sons moelleux et sombres des basses dans un adagio sans trop de lenteur, légère inquiétude, calme avant la tempête ? La flûte éclaire le ciel, le rythme s’accélère, les cordes se déchaînent, mais la petite harmonie reste légère. Sous la baguette énergique du maestro la joie éclate entre force et légèreté ; l’écriture de Félix Mendelssohn faite d’éclats et de grâce prend ici toute son ampleur. Lawrence Foster a su conduire son orchestre dans ces contrastes sans aucune dureté jusqu’à la montée en puissance d’un énorme crescendo qui laissera éclater les trompettes. Joie d’une fin de voyage réussi. Réussi en tous points aussi ce concert qui, en deux heures de musique nous a fait voyager vers des rivages inconnus. Découverte des sonorités imagées parfaitement sculptées par la baguette du maestro et les sons langoureux d’Alexandra Conunova qui faisait vibrer son violon Guarneri del Gesu von Vecsey. Un voyage musical applaudi par une salle comble.