Opéra de Marseille, saison 2024/2025
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Direction musicale Michele Spotti
Chef de Chœur Florent Mayet
Soprano Angélique Boudeville
Mezzo-soprano Anna Goryachova
Ténor Ivàn Ayon–Rivas
Basse Simon Lim
Giuseppe Verdi: “Messa da Requiem” per soli, coro e orchestra
Giuseppe Verdi: “Messa da Requiem” per soli, coro e orchestra
Marseille, le 19 janvier 2025
Salle comble en ce dimanche 19 janvier pour cette date retenue depuis longtemps par tous les amateurs de Verdi, mais pas seulement. Peut-on rester insensible à ce monument musical ? Et musical semble être un mot assez faible si l’on songe à toutes les émotions contenues dans cette partition qui convie orchestre, chœur et solistes. Le public est frappé par les forces telluriques soulevées par la puissance de l’orchestre et du chœur. A la mort du poète Alessandro Manzoni qu’il admirait avec passion Giuseppe Verdi est effondré. Trop affecté pour se rendre à ses obsèques le compositeur décide de lui rendre
hommage en lui dédiant une messe de requiem. Il a déjà un Libera me composé à la mort de Gioachino Rossini pour un projet non abouti. Cette messe monumentale, écrite suivant la liturgie catholique romaine pour le service des morts, sera interprétée un an jour pour jour après le décès de son ami en l’église San Marco de Milan, sous la baguette du compositeur. Giuseppe Verdi est-il croyant ? Mais nul besoin d’être profondément croyant pour être touché et même bouleversé par cette musique qui atteint l’âme de tout être humain. On a souvent reproché au compositeur de privilégier les voix au détriment de la partie orchestrale dans ses opéras. Il démontre ici combien il connaît l’orchestre, les instruments qui le composent et comment les employer, jouant sur leurs sonorités pour faire surgir les émotions. L’on peut écouter cette œuvre en boucle et y découvrir encore
et encore des inflexions, des respirations et des harmonies nouvelles qui reflètent le génie du compositeur. Quelle puissance ! Cette puissance, cette force, nous les recevons de plein fouet dans l’interprétation magistrale de ce Requiem. Avec une baguette sûre, énergique mais néanmoins sensible, Michele Spotti impose sa vision, plus spirituelle ou même sacrée qu’opératique, dans une intensité sonore qui peut s’éteindre sur un souffle pianissimo. L’on sent une grande sincérité dans la direction de ce jeune chef d’orchestre qui fait ici preuve d’une belle maturité dans l’expression. Peut-on déjà, à trente ans, connaître les affres de l’âme humaine, ses terreurs devant la mort et les jugements, si ce ne sont ceux de Dieu mais peut-être devant les siens propres ? Il semblerait que oui, car cette interprétation laisse transparaître les peurs, les supplications de ces
âmes avec l’éclat des cuivres et les appels bouleversants des trompettes dans des tempi appropriés. Une unité de sonorités et de voix a ici été trouvée pour subjuguer l’auditeur dès les premières notes piani de l’Introït jusqu’au dernier souffle du Libera me. Avec une grande précision dans le Sanctus au fugato énergique, ou la profondeur des voix mixtes aux attaques nettes sans dureté, le Chœur, bien préparé par Florent Mayet, fait preuve d’une implication et d’une musicalité qui sont sans conteste une part majeure du succès avec des éclats à faire vaciller l’âme des morts ou des pianissimi au souffle inquiétant. Dès le Dies irae et ses quatre accords puissants, l’orchestre montre une grande détermination, introduisant un chœur magistral avant de faire résonner trompettes et timbales. Un orchestre qui met à l’honneur ses pupitres dans des sonorités qui changent mais s’enchaînent dans une continuité de sons allant du moelleux des bassons au superbe soli des violoncelles dans l’Offertorio. Peut-on citer chaque pupitre dans cette continuité musicale qui accompagne les solistes ? Quatre solistes que l’on aurait aimé entendre plus détachés scéniquement de la masse orchestrale. Angélique Boudeville tient avec sensibilité ou force la partie de soprano
dans des tenues éthérées, laissant survoler sa voix dans les quatuors vocaux ou se mêlant avec délicatesse à la voix de la mezzo-soprano pour un recordare mélodieux ou encore un Libera me domine de morte aeterna d’une puissance inquiétante. La partie de mezzo-soprano est tenue avec musicalité par Anna Goryachova dans une voix souple et projetée. Son large ambitus lui permet des graves appuyés ou des aigus puissants dans une belle rondeur de timbre et de belles attaques pour un Lacrymosa chanté avec ferveur. Superbe Agnus Dei chanté avec délicatesse en duo a capella avec la soprano. C’est dans une voix incisive au beau phrasé et aux aigus assurés que le ténor Yvàn Ayon-
Rivas interprète un Ingemisco tout en nuances accompagné par le hautbois solo. Très belle musicalité aussi dans le Quid sum miser où sa voix claire se marie aux deux voix féminines pour un trio délicat au son du basson. C’est avec Mors Stupebit que Simon Lim fait résonner sa voix de basse dans des graves effrayants. Mais c’est dans le Confutatis que l’on apprécie la qualité du phrasé et la musicalité de cette basse au timbre chaleureux dont les respirations annoncent la profondeur des attaques. Avec une gestuelle ample, efficace, empreinte d’émotions, Michele Spotti a donné ici une interprétation magnifique de ce Requiem portant à son meilleur, Orchestre et Chœur. Magnifique ovation aussi. Photo Christian Dresse




