Bayerischen Staatsoper:”Die liebe der Danae”

Munich, Staatsoper, saison 2024/2025
“DIE LIEBE DER DANAE”
Opéra en 3 actes, livret de Joseph Gregor
Musique Richard Strauss
Jupiter CHRISTOPHER MALTMAN
Mercure YA-CHUNG HUANG
Pollux VINCENT WOLFSTREINER
Danae MANUELA UHL
Xanthe ERIKA BAIKOFF
Midas ANDREAS SCHAGER
Les Rois PAUL KAUFMANN, KEVIN CONNERS, BALINT SZABO, MARTIN SNELL
Semele SARAH DUFRESNE
Europa EVGENIYA SOTNIKOVA
Alkmene EMILY SIERRA
Leda AVERY AMEREAU
Les Gardiens VITOR BISPO, YOSIF SLAVOV, BRUNO KHOURI, DANIEL NOYOLA
Une voix LOUISE McCLELLAND JACOBSEN
Bayerisches Staatsorchester & Chor
Direction musicale Sebastian Weigle
Chor Christoph Heil
Mise en scène Claus Guth
Décors Michael Levine
Costumes Ursula Krudrna
Lumières Alessandro Carletti
Video Rocafilm
Dramaturgie Yvonne Gebauer, Ariane Bliss
Munich, le 11 février 2025
En cette soirée du 11 février 2025, le Bayeriche Staatsoper nous présentait Die Liebe der Danae dans la conception du metteur en scène Claus Guth. L’amour plus puissant que l’argent ? Une transposition dans le monde actuel, mais peut-être plus adaptée que certaines autres qui nous choquent énormément. En effet, la musique composée juste avant le milieu du XX° siècle par Richard Strauss porte en elle une modernité qui s’adapte facilement à cette conception et le sujet, pris dans une page de la mythologie romaine un peu modifiée où l’or est omniprésent, peut tout à fait se concevoir dans une Amérique gouvernée par le dollar. D’ailleurs, le metteur en scène n’a-t-il pas travesti Pollux en Donald Trump ? Jupiter séduit Danae avec une pluie d’or mais l’histoire finit bien, Jupiter n’arrivant pas à ses fins laissera partir Danae, qui préfère l’amour à la richesse, avec son amoureux Midas redevenu pauvre. Claus Guth tourne ici le pouvoir de l’argent en dérision avec un lit nuptial tout en or, même l’avion amenant Midas, l’homme le plus riche du monde à ce moment-là, est en or. Jupiter et Midas ne sont-ils pas vêtus d’or aussi ? Le metteur en scène aime les clins d’œil, après un Pollux imaginé en Donald Trump réussi, ne présente-t-il pas Jupiter en Wanderer, le Wotan de Richard Wagner à l’acte III, serait-ce aussi le crépuscule des Dieux… de l’Olympe ? Au dernier acte, le large bureau du début devient une sorte de refuge pour sans abri sur fond de grattes ciel new yorkais sous une pluie de billets de dollars alors que Jupiter s’en va. Les lumières conçues par Alessandro Carletti sont adaptées aux scènes, plus ou moins puissantes, avec quelques éclairs produits pas la foudre de Jupiter et les costumes d’Ursula Kudrna, de bon goût, mélangent la sobriété de la jupe de Xanthe (années 50) aux costumes amusants des quatre anciennes conquêtes de Jupiter, Midas et Jupiter dans leur or clinquant restant pleins d’humour. Le grand bureau conçu par Michael Levine accueille, à l’acte II, l’immense lit nuptial doré symbole manifeste de la richesse. Très bien choisies, les voix s’harmonisent à l’écriture musicale dans une adaptation scénique bien conçue. Remplaçant au pied levé Malin Byström souffrante, Manuela Uhl reprend le rôle qu’elle connaît bien avec aisance malgré le peu de répétitions. Charme et fluidité de jeu alliés à sa voix solide et projetée de soprano donnent une grande présence à la Danae de cette production. Dans de belles phrases musicales elle reçoit la pluie d’or, hommage de Jupiter à sa beauté avec un plaisir non dissimulé. Amusante dans son jeu, allongée sur son portrait au cadre dorée, elle sait être sensible dans de beaux aigus tenus parlant de son amoureux avec tendresse ou plus puissante dans un timbre de voix rond et coloré. Manuela Uhl est une Danae qui marque ce rôle avec élégance et musicalité. Le baryton Christopher Maltman incarne avec présence Jupiter dans une aisance scénique de tout premier ordre. Sensible ou arrogant dans une voix chaleureuse aux nuances appropriées, il échange avec Midas dans une sorte de duo, ou module sa voix qui se fait plus moelleuse à l’acte III laissant ressortir la profondeur de son timbre. Amoureux éconduit, il quitte la scène avec style et musicalité.
Andreas Schager est Midas/Christopher dont il endosse les costumes avec aisance dans une voix harmonieusement projetée. Il forme avec les deux autres chanteurs un trio magnifique d’homogénéité de voix et de style. Charme et présence scénique, il module sa voix avec souplesse ou donne plus de puissance avec musicalité jusque dans des aigus longs et projetés. Dans ce rôle attachant, le ténor autrichien laisse exprimer ses sentiments avec facilité mais intensité dans un timbre chaleureux. Vincent Wolfsteiner a ce qu’il faut de présence vocale et scénique pour le rôle de Pollux où rythmes et attaques précises donnent du relief avec humour dans une voix de ténor percutante. Erika Baikoff (Xanthe) prodigue ses conseils à Danae avec vigueur dans une voix impérieuse de soprano aux aigus clairs et au legato straussien. Amusantes et enjouées lesPrincesses mêlent leurs voix dans un quatuor un peu burlesque mais efficace et bien chantant avec beaucoup d’à-propos et de rythme, apportant une certaine fantaisie. Mercure est interprété avec malice par le ténor Ya-Chung Huang à la voix projetée. Rythme et agilité donnent du relief à ce rôle assez court. Chaque second rôle est interprété avec intelligence et efficacité, ainsi les 4 Rois ou les 4 Gardiens. Très en place vocalement et scéniquement, le Chœur donne ici les inflexions voulues par le compositeur dans un ensemble parfait et une belle homogénéité de voix. Avec une baguette précise Sebastian Weigle, habité par la musique de Richard Strauss, conduit l’orchestre avec maestria. Chaque inflexion, chaque nuance, chaque phrase musicale reflète cette musique à nulle autre pareille. C’est un triomphe, partagé avec tous les musiciens de ce splendide orchestre, sous le regard de Richard Strauss que l’on voit, en vidéo, se promenant dans les jardins de sa maison. Photo© Geoffroy Schied