Munich, Prinzregententheater: Sir Simon Rattle & Bach

Prinzregententheater, Munich, saison 2025
Orchestre BRSO hip (Barockensemble)
Chor des Bayerischen Rundfunks
Direction musicale Sir Simon Rattle
Soprano Carolyn Sampson 
Contre-ténor Tim Mead 
Thomas Hobbs Ténor
Konstantin Krimmel Baryton
Johann Sebastian Bach: “Herr, gehe nicht ins Gericht«, Kantate, BWV 105; Liebster Gott, wenn werd ich sterben«, Kantate, BWV 8; Was Gott tut, das ist wohlgetan«, Kantate, BWV 99
Munich, le 9 février 2025
En cette matinée du dimanche 9 février 2025, 3 cantates de Johann Sebastian Bach étaient données en concert par le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (Barockensemble) sous la direction de Sir Simon Rattle. Ce concert donné dans la magnifique salle du Prinzregententheater  affichait complet. Construit 1901 et détruit pendant la seconde guerre mondiale ce théâtre, dont la rénovation s’achève en 1988, possède une salle dont l’architecture s’inspire grandement du Spelfielhaus de Bayreuth. Dans une ambiance recueillie Sir Simon Rattle nous donne une version très inspirée de ces 3 cantates dans la finesse et la profondeur des sonorités de cet orchestre baroque. Jouant sur des instruments d’époque les solistes se font entendre tour à tour suivant la composition nous laissant profiter des sons soyeux de la petite harmonie – utilisée quelquefois en colla parte – flûte véloce aux sonorités douces, hautbois ou hautbois d’amour plus percutants et basson aux sons feutrés tout en accompagnant les voix dans des respirations ou un legato très mélodieux. La partie de cor, jouée sur un cor “Tirasi”, sorte de compromis avec la trompette et muni d’une coulisse de justesse est tenue avec brio par Thomas Kiechle, soliste du BRSO. C’est dans sa ville que le Cantor de Leipzig compose ces 3 cantates, entre 1723 et 1724, dans une plénitude orchestrale et une fluidité de cours d’eau. A l’écoute de la musique de Johann Sebastian Bach le poète Paul Valery se sentait comme ces auditeurs “Captivés, lavés des tourments, rassérénés au contact de la beauté et de la bonté…” Johann Sebastian Bach est certainement un modèle de base pour tous les compositeurs, même venus longtemps après lui, trouvant chez le compositeur allemand une sincérité évidente. “On n’exprime bien que ce que l’on a ressenti” disait à son propos Yehudi Menuhin. Il est vrai que ces 3 cantates, bien que différentes, construites dans la plénitude de sentiments et la recherche des timbres, dérouleront un tapis sonore aux voix qui viendront s’ajouter à cette architecture musicale. La Cantate religieuse BWV 88, jouée le 24 septembre 1724, 16ème dimanche après la Trinité “Dieu bien-aimé quand vais-je mourir ?” est une méditation sur la mort. Dirigeant sans baguette, le maestro sculpte les sons dans un tempo sans lenteur au léger balancement, laissant le chœur d’entrée s’exprimer dans une ambiance recueillie. Le ténor Thomas Hobbs interprète la première Aria dans une voix claire aux articulations marquées mais laisse plus de souplesse aux vocalises accompagnées par le violon solo aux longueurs d’archet sonores. Les belles respirations et ponctuations du contre-ténor Tim Mead se mêlent au son de la flûte dans un récitatif à l’aise. L’interlude annonce la voix marquée du baryton Konstantin Krimmel dans la rondeur du timbre pour des vocalises sans brutalité accompagnées par la flûte dans un tempo allant. Le récitatif, dans la tessiture haute de la soprano Carolyn Sampson, accompagné par le continuo et le petit orgue laisse le chœur terminer cette cantate dans un grand apaisement. “Dieu souverain de la mort et de la vie”. La Cantate BWV 99, “Ce que Dieu fait est bien fait” fait partie du 2ème cycle liturgique. Composée à partir du Sermon de Jésus sur la montagne selon l’Evangile de Luc, cette cantate est jouée le 17 septembre 1724, 15ème dimanche de la Trinité. Le chœur d’ouverture, écrit en majeur pour donner confiance au croyant, prend des accents alertes sous l’impulsion du maestro. Seul, accompagné du continuo, le baryton s’exprime dans des nuances expressives avec une belle rondeur de timbre laissant la place à la vélocité de la flûte en duo avec le ténor dans des articulations marquées. Projetée, la voix du contre-ténor donne une certaine clarté à ce récit aux vocalises à l’aise. Plus calme, le duo avec la soprano unit les voix dans un legato accompagné par la flûte et le hautbois d’amour dans une plénitude d’expression avant un chœur final très homogène. La Cantate BWV 105, qui fait partie du 1er cycle annuel de Leipzig, est jouée le 25 juillet 1723 à l’occasion du 9ème dimanche de la Trinité. “Seigneur n’entre pas en jugement avec ton serviteur” est une prière de repentance de David avec un passage de l’épître de Paul sur le pardon. Le sombre prélude donne la parole au cor solo dans des attaques précises qui passent au-dessus de la polyphonie du chœur. Les quatre solistes, dans une homogénéité de son, s’effacent pour laisser écouter le récitatif du contre-ténor sur un continuo très présent. Reprenant la sonorité du hautbois, la soprano chante de longues phrases legato sur une belle longueur de souffle avant quelques ornementations très musicales. Dans un long récitatif le baryton au timbre moelleux pose les sons et laisse discourir cor et ténor pour un propos marqué dans un tempo allant. Le chœur solennel et les quatre solistes terminent cette cantate avec calme dans un tutti en majeur avec le son grave des altos en conclusion. Long moment de recueillement avant un tonnerre d’applaudissements. Un concert dédié à la sérénité, à la pureté d’un Johann Sebastian Bach interprété, dans une grande compréhension du texte, par les solistes, le chœur et les musiciens sous la direction d’un chef inspiré. Photo Astrid Ackermann