Auditorium du Pharo, Marseille, saison 2024/2025
Orchestre Philharmonique de Marseille
Direction musicale Daniel Smith
Alto Sarah Ferrández
Ludwig van Beethoven: “Léonore III”, ouverture en do majeur; William Walton: Concerto pour alto; Anton Dvorak: Symphonie n°9 en mi mineur, dite “Du Nouveau Monde”
Marseille, le 16 mars 2025
Il y a des concerts qui marquent plus que d’autres et l’on se félicite d’avoir pu les écouter tant la qualité et l’apport émotionnel ont été intenses. C’est le cas en cette fin d’après-midi du 16 mars à l’issue du concert donné par l’Orchestre Philharmonique de Marseille, dans une forme éblouissante, galvanisé par le chef d’orchestre australien Daniel Smith que nous découvrons ici. Le programme éclectique et néanmoins classique nous laissera apprécier William Walton, un compositeur peu connu du grand public, dans une œuvre assez peu jouée en concert : son concerto pour alto et orchestre. Ludwig van Beethoven pour commencer avec sa brillante ouverture Leonore III. Le compositeur n’écrira pas moins de 4 ouvertures pour son opéra Fidelio. Celle finalement choisie pour introduire cet opéra est plus courte et moins magistrale qu‘Leonore III jugée trop puissante pour une œuvre qui débute de façon assez mozartienne. Souvent jouée en concert Leonore III introduira aussi la dernière partie de l’opéra avec sa célèbre sonnerie de trompette qui annonce l’arrivée de Don Fernando ministre du roi. Cette ouverture, écrite comme un court poème symphonique vient relater les faits marquants de l’opéra, mais aussi les atmosphères et leur intensité, avec des rythmes et des nuances en ruptures soudaines, mettant à l’honneur les instruments avec cet effet de trompette plus ou moins éloignée. L’interprétation qui nous est donnée ici ne peut que soulever l’enthousiasme d’un public subjugué. La direction sûre et précise non dénuée d’élégance de Daniel Smith laisse ressortir chaque pupitre, la sonorité pure d’une flûte à l’aise, le piano moelleux des cordes, la rondeur du son des timbales ou la puissance des cuivres en majesté dans des attaques sans dureté. Superbe et succès assuré ! Il est assez rare d’écouter en concert un concerto écrit pour l’alto, mais encore plus rare est celui composé par William Walton créé le 3 octobre 1929 aux Concerts Promenades de Londres par Paul Hindemith, altiste compositeur qui a lui-même écrit pour cet instrument. William Walton qui semblait influencé par Arnold Schoenberg ou Igor Stravinsky nous livre ici une écriture plutôt post romantique avec des phrases adaptées aux sonorités profondes de l’alto malgré des rythmes et des accents dans l’archet en contre-temps qui marquent la modernité de l’œuvre. Sarah Ferrández, dans une solide
technique et une justesse parfaite, fait montre d’une réelle souplesse avec des changements soudains d’atmosphères et de rythmes alors que les tempi soutenus laissent entendre des phrases plus langoureuses. Avec un archet à l’aise, un vibrato qui laisse ressortir les harmoniques et des substitutions de doigts faites avec élégance, le jeu de l’altiste est d’une grande musicalité. Sous la baguette énergique de Daniel Smith qui marque les rythmes sans concessions Sarah Ferrández soutient le dialogue avec l’orchestre malgré une écriture fournie et prend la parole avec autorité durant les trois mouvements du concerto. Imposant son style dans un discours parfois nostalgique, les échanges avec la trompette, la clarinette basse ou le violoncelle solo se font avec souplesse et musicalité. Un très beau moment de musique qui a séduit l’auditeur dès la première écoute de cette œuvre qui met l’alto à l’honneur. Changement de style avec la courante de la première suite de Bach transcrite du violoncelle donnée en bis. Dans un style un peu baroque, l’altiste interprète cette courte page avec une certaine légèreté qui contraste avec l’écriture puissante du concerto. La symphonie n°9 dite “Du Nouveau monde”, Anton Dvorak la compose en 1893 alors qu’il vient de s’installer à New York avec sa famille. Si d’aucuns ont pu penser que les accents, les harmonies que l’on entend sont uniquement d’inspiration américaine, le compositeur s’en défend un peu. Certes il s’est immergé dans le folklore de ces contrées lointaines allant jusqu’à écouter les chants des tribus indiennes, mais il ne peut se séparer des musiques slave et tchèque qui sont une partie de lui-même. Dans cette superbe interprétation, et sous la baguette inspirée de Daniel Smith, l’orchestre fait ressortir une partition riche de sonorités et de contrastes pour une traversée musicale où chaque couleur semble être un tableau. Les reliefs, les inflexions des instruments, les tempi qui avancent, l’homogénéité des cordes, la nostalgie de la flûte ou le fortissimo des cuivres jusque dans un choral aux sons pleins emplissent la salle. Nous trouvons-nous dans une plaine avec la mélancolie du cor anglais au souffle long ou dans la lumière avec la pureté de son du hautbois ? La direction musicale d’une grande précision dans ces rythmes qui évoquent une danse s’élargit pour les phrases jouées par les alti mais s’alourdit et fait ressortir le côté dramatique des cors. La magie de cette orchestration est d’avoir su trouver les liens qui relient les mouvements, jouant sur les atmosphères par l’emploi des sonorités de chaque instrument, les cors succédant à la clarinette pour la reprise d’un thème qui finit en majeur. Direction magistrale et orchestre éblouissant !
