Grand Théâtre, Aix-en-Provence, saison 2025
Orchestre de chambre du Festival Pablo Casals
Direction musicale Pierre Bleuse
Violoncelle Gautier Capuçon
Dmitri Chostakovitch: Concerto pour violoncelle n°1 en mi bémol majeur op.107; Franz Schubert: Symphonie n°9 en ut majeur, D. 944 “Grande”
Aix-en-Provence, le 25 avril 2025
Un autre concert très attendu au Festival de Pâques celui du 25 avril: Chostakovitch et Gautier Capuçon, Pierre Bleuse étant à la baguette. Dmitri Chostakovitch écrit ce concerto entre mai et juin de l’année 1959 alors qu’il souffre de poliomyélite. Impressionné par le passage pour violoncelle de la Concertante de Sergueï Prokofiev, le compositeur décide de se lancer dans
l’écriture de ce concerto le dédiant à Mstislav Rostropovitch qui a tout juste 30 ans. Pensée en 3 mouvements, c’est finalement en 4 mouvements que cette pièce prend forme avec une longue cadence en son milieu. Inutile de dire que c’est une œuvre monumentale d’une grande difficulté pour le soliste. La symphonie n°10 avait déjà été écrite après la mort de Joseph Staline mais peut-être restait-elle encore un peu retenue malgré ses éclats. Quelques années après, le compositeur évoque cette période avec sans doute plus de liberté. Au violoncelle de mettre en scène toutes ces tragédies car, même mort Staline continue de hanter le compositeur. D’entrée, Gautier Capuçon fait sonner son Stradivarius avec une puissance que l’instrument n’avait peut-être pas connue au moment de sa conception. Il résiste, s’enflamme, fait ressortir les notes, les doubles cordes ou les pizzicati dans une ampleur de sons jamais saturés. Cette œuvre sous les doigts de Gautier Capuçon prend une dimension de feu d’artifice. Qu’elle énergie, mais aussi
quelle musicalité malgré la puissance. Le violoncelliste a décidé de ne rien estomper de la violence contenue dans cette partition qui est une part de l’âme du compositeur et de ses souffrances qui reviennent avec des thèmes en ostinato comme autant de souvenirs douloureux. La petite harmonie est souvent sarcastique alors que le cor, unique représentant de la famille des cuivres, émet des sons souvent nostalgiques en réminiscence. Les jettato au talon jamais arrachés, les aigus qui sonnent et les motifs répétitifs produisent une sorte d’angoisse dans ce 1er mouvement sous forme de prologue aux autres mouvements enchaînés. Lent, calme, quasi religieux, le cor introduit le violoncelle qui semble interpréter une comptine entendue dans l’enfance et qui revient avec tristesse dans un pianissimo. Solidité de main gauche, vibrato intense et longueurs d’archet, la mélodie revient dans des notes harmoniques
et un calme presque inquiétant. La longue Cadence débute dans une sorte d’introspection qui laisse sonner les pizzicati de main gauche. Superbe écriture pour ce monologue qui semble s’agiter tout en ramenant l’orchestre dans l’éclat du thème qui revient pour un agitato maîtrisé qui semble ne jamais pouvoir s’arrêter avec ces 4 notes en ostinato, telles une destinée inéluctable. Superbe, éblouissante interprétation. Pour en finir avec la terreur, Gautier Capuçon nous propose Le Chant des oiseaux, cet hymne à la paix composé par Pablo Casals pour violoncelle et orchestre dans un espoir nostalgique interprété avec grâce et musicalité dans une belle souplesse d’archet. Après l’entracte, la lumière de la Symphonie n°9 de Franz Schubert nous entraîne dans un tempo allant vers une sorte de promenade le cor et la petite harmonie jouant avec amabilité. Dans une gestuelle au fond des temps mais sans geste inutile, Pierre Bleuse nous livre un premier mouvement aux nombreux changements faisant ressortir les timbales, les trombones, toujours avec l’élégance qui caractérise le compositeur et un quatuor qui marque
le tempo jusqu’au final en majesté. Le hautbois sculpte l’Andante sans lenteur dans des phrases à la joie intériorisée dans un léger marcato sans rigidité. Beaucoup de reprises chez Schubert qui laisse passer les thèmes sans trop d’insistance du quatuor à l’harmonie dans un romantisme assez épuré. Le Scherzo, vif et attaca reste grâcieux dans une joie qui alterne puissance et légèreté. Toujours présent, le chef d’orchestre donne les départs, insuffle un joli legato aux archets ou fait ressortir les oppositions de nuances. Vif, précis, brillant, l’Allegro vivace est éclatant de joie avec des trompettes et des trombones sonores. Schubert revient sur les thèmes avec des accords au quatuor lourds et puissants. Belle orchestration qui semble tisser une dentelle en mélangeant avec bonheur les phrases de l’harmonie et du quatuor. Après avoir dirigé avec fougue un Chostakovitch très engagé, Pierre Bleuse fait montre de souplesse et d’élégance dans cette “Grande” symphonie. Franz Schubert n’aura jamais entendu sa symphonie qui ne sera jamais jouée de son vivant. Elle sera retrouvée après sa mort dans ses manuscrits inédits par Robert Schumann qui aimait ses “divines longueurs” et créée à Liepzig en 1839 sou la direction de Felix Mendelssohn. Un concert superbe! Photo Caroline Doutre



