Marseille, opéra municipal, saison 2024/2025
“SIGURD”
Opéra en 4 actes, livret de Camille du Locle et Alfred Blau
Musique Ernest Reyer
Brünhilde CATHERINE HUNOLD
Hilda CHARLOTTE BONNET
Uta MARION LEBEGUE
Sigurd FLORIAN LACONI
Gunther ALEXANDRE DUHAMEL
Hagen NICOLAS CAVALIER
Prêtre d’Odin MARC BARRARD
Un Barde GILEN GOICOECHEA
Irnfrid MARC LARCHER
Hawart KAËLIG BOCHE
Rudiger JEAN-MARIE DELPAS
Ramunc JEAN-VINCENT BLOT
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Direction musicale Jean-Marie Zeitouni
Mise en scène Charles Roubaud
Décors Emmanuelle Favre
Costumes Katia Duflot
Lumières Jacques Rouveyrollis
Vidéos Julien Soulier
Marseille, le 6 avril 2015
Restant dans le cadre “l’Opéra fête son centenaire”, SIGURD l’opéra d’Ernest Reyer nous était proposé en ce dimanche après-midi. Le 13 novembre 1919, après une représentation de “L’Africaine”, l’opéra est en flammes. Reconstruit dans un pur style art-déco, c’est “Sigurd” qui est à l’affiche pour son inauguration le 3 décembre 1924. Cent ans déjà, et quoi de mieux que “Sigurd” pour cette année d’anniversaire ? Mais 30 ans aussi que l’ouvrage n’a plus été représenté sur cette scène. Maurice Xiberras, directeur général
de l’Opéra de Marseille relève le défi dans une production toute française et, pourquoi pas, marseillaise aussi. Séduit par les compositeurs germaniques tels Meyerbeer ou Richard Wagner (d’ailleurs n’a-t-il pas modifié son patronyme Rey en Reyer) et malgré le sujet qui reste très proche des deux derniers volets de la Tétralogie de Richard Wagner, le Sigurd du compositeur marseillais reste une belle illustration du grand opéra français avec ballet obligé. Son goût pour le romantisme allemand, à la mode à cette époque, l’entraîne à se tourner vers “La chanson des Nibelungen” mais les aléas des conflits et de la politique feront que Sigurd sera refusé à Paris en 1870 ; il sera créé à Bruxelles le 7 janvier 1884 et connaîtra alors un immense succès. Dans cet opéra fleuve des coupures sont aménagées, notamment le ballet, elles sont assez bien amenées et ne nuisent en rien à sa compréhension. La mise en scène est confiée à Charles Roubaud, claire, épurée, toujours de bon goût et d’une grande lisibilité, mettant les personnages en valeur tout en
laissant au chœur ces effets de puissance dans une bonne direction d’acteurs. Dans une coopération intelligente avec Emmanuelle Favre qui signe les décors, de beaux tableaux nous sont proposés et épuré ne signifie pas toujours vacuité. Une immense charpente à pans coupés occupe une partie de la scène laissant évoluer les chanteurs, mais c’est dans l’originalité du dernier acte que nous avons trouvé le plus de beauté : les hautes poutres qui encadrent un Sigurd agonisant se referment lentement occultant Brünhilde venue le rejoindre dans la mort. Image sublimée par les lumières conçues par Jacques Rouveyrollis, poétiques et dans des couleurs souvent estompées. Les vidéos de Julien Soulier viennent soutenir les atmosphères suggérées par la musique, faisant apparaître les épreuves vécues par Sigurd avec légèreté dans une esthétique toujours renouvelée ; les 3 Nornes tissant son linceul, sa lutte avec les Kobolds ou sa résistance aux
séduisantes Elfes. Les costumes de Katia Duflot viennent compléter avec bonheur cette fresque. Habits militaires sombres pour les hommes du chœur, superbes robes 1930 d’une rare élégance pour les dames et tenues qui frisent l’époque Renaissance pour les servantes, longues chasubles blanches qui recouvrent un fourreau noir, Sigurd, tout de blanc vêtu se détachant dans la lumière. Le visuel de cette nouvelle production participera en grande partie du succès final. Distribution française bien choisie avec le Sigurd de Florian Laconi en pleine forme vocale, type même du ténor héroïque. Investi et voix solide dans une partition qui ne le ménage pas, vaillance des aigus puissants soutenus par un souffle long, le ténor français, malgré une émission souvent forte, est capable de jolies nuances et de sensibilité dans son duo d’amour. Justesse irréprochable pour une prestation remarquée. Belle prestance pour le Gunther d’Alexandre Duhamel. Mais au-delà du jeu et de l’allure, la voix paraît un
peu fatiguée faisant ressortir quelques inégalités vocales. C’est dans le médium et certains aigus solides que l’on retrouve la rondeur du timbre. Nicolas Cavalier fait montre d’autorité et d’investissement dans ce Hagen péremptoire où la voix très projetée résonne avec puissance dans un joli phrasé. Marc Barrard laisse ressortir la chaleur de sa voix de baryton dans des nuances appropriées, donnant au Prêtre d’Odin sensibilité et relief sonore dans un phrasé musical. Vif succès pour le Barde de Gilen Goicoechea, rôle court mais remarqué ; timbre, style et profondeur de voix. La superbe Brünhilde de Catherine Hunold investit la scène dans une interprétation tout en finesse mais dans une voix puissante au timbre coloré. Aigus sûrs, ronds et soutenus, longueur de souffle dans le piano et nuances sensibles. Une Brünhilde très applaudie. Très applaudie aussi,
la Hilda de Charlotte Bonnet à l’émission franche et directe aux solides aigus mais au legato sensible dans un jeu passionné qui réclame peut-être un peu plus de souplesse. Timbre harmonieux, voix bien placée et conduite du chant, font apprécier Marion Lebègue dans le rôle d’Uta au jeu fluide. Marc Larcher, Kaëlig Boché, Jean-Marie Delpas et Jean-Vincent Blot, les envoyés d’Attila animent la scène dans un bel ensemble. Bien préparé par Florent Mayet, le Chœur est à la fête et au succès. Ensemble, homogénéité des voix, présence scénique et investissement vocal jusque dans la demi-teinte de coulisse. Bravo ! Partition orchestrale fournie et superbement interprétée dès la magistrale ouverture par un orchestre aux sonorités homogènes qui laissent ressortir les instruments solistes, profondeur du violoncelle, mélancolie de la clarinette ou du cor anglais, rondeur des cuivres sous la baguette attentive et nuancée de Jean-Marie Zeitouni qui a su trouver les inflexions de la musique française, autorité mais souplesse. Longs, longs, rappels ! Photo Christian Dresse




