Opéra National de Lyon, saison 2024/2025
“PETER GRIMES”
Opéra en 3 actes sur un livret de Montagu Slater, d’après un poème de George Crabbe
Musique de Benjamin Britten
Peter Grimes SEAN PANIKKAR
Ellen Orford SINEAD CAMPBELL-WALLACE
Capitaine Balstrode ANDREW FOSTER WILLIAMS
Auntie CAROL GARCIA
Mrs Sedley KATARINA DALAYMAN
Swallow THOMAS FAULKNER
Ned Keene ALEXANDER DE JONG *
Bob Boles FILIPP VARIK *
1re nièce EVA LANGELAND GJERDE *
2e nièce GIULIA SCOPELLITI **
Hobson LUKAS JAKOBSKI
John YANNICK BOSC
Le Révérend Adams ERIK ÅRMAN
** Solistes du Lyon Opéra Studio, promotion 2024-2026
* Lyon Opéra Studio, promotion 2022-2024
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon
Direction musicale Wayne Marshall
Chef des Chœurs Benedict Kearns
Mise en scène Christof Loy
Scénographie Johannes Leiacker
Costumes Judith Weihrauch
Lumières Bernd Purkrabek
Chorégraphie Thomas Wilhelm
Lyon, le 9 mai 2025
L’Opéra de Lyon a une nouvelle fois ouvert ses portes à Peter Grimes, après une dernière représentation en 2014 dans le cadre d’un Festival Britten. Cette fois, dans la mise en scène de Christof Loy créée au Theater an der Wien en 2021, l’œuvre de Benjamin Britten est revisitée avec une audace qui défie les conventions. Contrairement à la vision traditionnelle du village de pêcheurs, Loy évacue les lieux emblématiques du livret – le port et son bord de mer, le pub The Boar, l’église et la cabane de Grimes – pour plonger les personnages dans un espace d’enfermement saisissant. De grandes parois noires et un parterre nu et assez incliné deviennent le théâtre des tensions humaines et sociales, où le chœur et les solistes évoluent, prisonniers des préjugés et des ragots d’une communauté étriquée. De très rares éléments de décor sont employés, des chaises disparates, un canapé et l’omniprésent lit en avancée de scène, le tout baignant dans les belles lumières de Bernd Purkrabek. Cette production de Peter Grimes offre une interprétation marquante, portée d’abord par un Sean Panikkar saisissant. Pour sa première incarnation du rôle-titre, le ténor américain déploie une intensité vocale impressionnante, voix bien concentrée et projetée qui conjugue puissance et expressivité. Son investissement scénique et la justesse de son engagement vocal contribuent à faire de ce spectacle
un moment fort de la saison. Il énonce son air sublime « Now the Great Bear and Pleiades » avec une suprême douceur, en avançant vers Balstrode dans un regard amoureux. Le metteur en scène indique en effet dans sa note d’intention que l’homosexualité de Grimes ne fait pour lui aucun doute, avis confirmé plus tard au vu du triangle amoureux constitué de Grimes, Balstrode et du deuxième apprenti, un jeune homme ici au lieu du garçon du livret. À ses côtés, Sinead Campbell-Wallace en Ellen Orford propose une interprétation nuancée, bien qu’un peu
discrète dans son registre grave. Les aigus, en revanche, résonnent avec une vigueur parfois surprenante, plus sonore par instants que l’aspect élégiaque et aérien associé d’ordinaire au personnage. Andrew Foster-Williams, quant à lui, revisite son rôle de Balstrode, déjà interprété à Lyon en 2014. Son baryton au vibrato plus prononcé se révèle parfois déroutant, mais sa présence scénique reste imposante et habilement modérée. Parmi les nombreux rôles secondaires, le Swallow de Thomas Faulkner et Alexandre de Jong en Ned Keene se distinguent par une maîtrise irréprochable, voix solidement timbrées et d’une juste musicalité. On remarque aussi le très inquiétant Hobson de Lukas Jakobski, voix particulièrement sombre et noire. Carol Garcia possède la
gouaille et la profondeur de timbre pour incarner la figure de Auntie, mais l’instrument reste un peu étroit, tandis que Katarina Dalayman en Mrs Sedley a des allures de hippie baba cool, qui attend fébrilement sa livraison de laudanum. Le Chœur de l’Opéra de Lyon, préparé avec précision par Benedict Kearns, livre une performance d’une rigueur exemplaire, chaque intervention étant parfaitement rythmée et ajustée au climat dramatique de l’œuvre. Enfin, l’orchestre dirigé avec brio par Wayne Marshall insuffle à la partition de Britten une intensité qui enveloppe et donne une profondeur vibrante à cette mise en scène audacieuse. Cette production de Peter Grimes à Lyon s’impose donc comme une lecture puissante, portée par des interprètes engagés et une vision musicale profondément maîtrisée. Photos ©Agathe Poupeney