Monsieur Désiré, parler avec le metteur en scène de sa façon d’aborder un ouvrage est un privilège rare que nous partageons avec nos lecteurs.
Nous connaissons votre travail, nous l’apprécions et retrouvons facilement votre signature et, collaborer avec les mêmes personnes est sans doute un avantage. De prime abord, tout ce noir peut surprendre. Parlez-nous de votre façon d’aborder les ouvrages.
Tout d’abord je dois dire que j’ai eu la chance d’assister depuis mes jeunes années aux spectacles donnés à l’Opéra de Marseille. Lorsque vous êtes un jeune garçon ces spectacles vivants, scène, chanteurs, musique vous marquent. Je me souviens qu’à cette époque, déjà, je me disais – moi, je ferais comme ceci ou comme cela – et je construisais des spectacles dans ma tête. Puis, plus tard, je me suis intéressé aux costumes et, plus tard encore, au spectacle tout entier. Mais faire du spectacle pour le spectacle n’est pas mon but. Entrer dans les ouvrages, rechercher la psychlogie des personnages, écouter les intentions du compositeur et traduire tout cela sur la scène pour qu’à son tour le spectateur se sente immergé et se retrouve au cœur même du drame, voilà qui est intéressant; il ne faut jamais oublier le public, nous travaillons pour lui. A l’opéra le drame est omniprésent. Je respecte le livret bien sûr, mais j’aime regarder l’action et les personnages en entrouvrant simplement une porte, regarder cette action sous un angle différent et, surtout, me mettre à la place du personnage, penser et peut-être réagir comme lui. C’est cette approche que je voudrais transmettre aux spectateurs. Evidemment, si l’on s’imprègne du drame et de la noirceur de certains caractères le noir, mystérieux et enveloppant me semble tout indiqué. L’on peut ainsi jouer sur les lumières et les éclairages prennent alors toute leur importance. Je travaille depuis des années avec une équipe réduite, Diego Méndez-Casariego pour les costumes et les décors et Patrick Méeüs pour les lumières. Nous comprenons nos intentions et tout est plus facile.
Dans “Il Trovatore” les acteurs dévoilent l’histoire par bribes et ce n’est qu’à l’extrême fin que l’intrigue se dénoue alors qu’il n’y a plus rien à faire et que tout est consommé. L’on trouve dans cet ouvrage des sentiments multiples ; l’amour contrarié, voire impossible, la culpabilité, les blessures morales, l’idée de la vengeance mais aussi la volonté de sacrifice. Dans ce noir enveloppant avec quelques éclairages sur les personnages, l’intention se focalise, surgit, s’intensifie. Le rouge de cette écharpe, rouge sang, est le lien qui unit Azucena à sa mère, à son passé, à sa culpabilté. Chaque scène est réduite à l’essentiel. Les gitans feraient plutôt partie d’une secte, ils soignent Manrico blessé, les soldats sont cantonnés dans une salle de garde et jouent aux dés, les tabourets marquent l’espace et sont faciles à manipuler. Tout est ici concentré, les espaces délimités et le rythme conservé. La focale est réduite, ce n’est pas une vision grand angle et je pense que tout en conservant les émotions c’est assez lisible pour le spectateur.
Merci Monsieur Désiré, nous arrivons maintenant à la troisième représentation et, vu le magnifique succès et les longs, longs rappels d’un public conquis, il est tout à fait évident que ce public a adhéré à votre propos. Un grand bravo !