Paris, Opéra National Bastille, saison 2025/2026
“LA BOHEME”
Opéra en 4 actes, livret Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
Musique Giacomo Puccini
Mimi YARITZA VELIZ
Musetta ANDREA CAROLL
Rodolfo JOSHUA GUERRERO
Marcello ETIENNE DUPUIS
Schaunard XIAOMENG ZHANG
Colline/Benoît ALEXANDROS STAVRAKAKIS
Alcindoro FRANCK LEGUERINEL
Parpignol HYUN-JONG ROH
Sergente del dogarani ANDRES PRUNELL-VULCANO
Un doganiere OLIVVIER AYAULT
Un venditore ambulante OOK CHUNG
Le Maître de cérémonie VIRGILE CHORLET
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
Direction musicale Domingo Hindoyan
Chef des Chœurs Alessandro Di Stefano
Mise en scène Claus Guth
Décors Etienne Pluss
Costumes Eva Dessecker
Lumières Fabrice Kebour
Vidéo Arian Andiel
Chorégraphie Teresa Rotemberg
Paris, le 8 octobre 2025
En ce mois de septembre 2025, l’Opéra National de Paris reprenait “La Bohème” dans la production de Claus Guth datant de 2017 avec 2 distributions différentes pour les 2 rôles principaux. C’est la deuxième distribution qui nous sera présentée. On est loin du scandale qu’a connu le public de la première en décembre 2017. Public décontenancé,
dans un vaisseau spatial en perdition vers une destination aléatoire. Tout cela allait mal se terminer et pour le spectacle, et pour Rodolfo qui allait mourir sur une planète gelée. Au cours des ans et des reprises, les esprits se sont calmés les spectateurs aussi. Mais quelle mouche a donc piqué Claus Guth qui nous a depuis donné de meilleurs spectacles ? La “Bohème” de Puccini est donc imaginée ici en réminiscence. Rodolfo et ses amis sont perdus dans l’espace à bord d’un vaisseau en détresse. Les vivres vont manquer, l’oxygène aussi, seuls les souvenirs les maintiennent dans un semblant de vie. Claus Guth respecte le livret et, en faisant abstraction du visuel, tout y est. Que manque-t-il alors ? L’atmosphère d’une époque révolue, le Paris du XIXe siècle avec sa poésie, le réel des situations vécues, et ce n’est pas peu. Commençons par certaines incongruités. Le lever de rideau nous entraîne dans le vaisseau spatial où s’inscrivent les nouvelles alarmantes,
le nombre de jours écoulés, l’oxygène qui s’amenuise… Rodolfo a un double, Benoît, mort, est dans un sac transparent…étrange. Mimi apparaît et l’on revit la rencontre avec Rodolfo, puis le rêve s’évanouit. Le Café Momus amène une agitation de serveurs avec un Maître de cérémonie omniprésent. Plus tard, nous serons déposés sur une planète où, bizarrement, il neige comme à Paris. Heureusement la musique est là, toujours, avec son lot d’émotions. Les décors créés par Etienne Pluss pourraient être bien conçus dans un autre contexte, mais n’apportent rien ici dans ce drame intimiste. Les costumes d’Eva Dessecker vont des tenues de cosmonautes à la petite robe rouge de Mimi d’un style très
actuel laissant le Chœur tout en noir ainsi que les enfants qui défilent avec une fusée gonflable tout juste sortie des Aventures de Tintin. Les lumières imaginées par Patrice Kabour, avec panne d’électricité, reflètent-elles les teintes blafardes qui éclairent cette planète où Rodolfo épuisé meurt emportant avec lui la vision d’une Mimi qui s’éloigne ? L’on peut comprendre le chahut lors de la première en 2017. Mais parlons plutôt de ce qui a été remarquable dans la “Bohème” de cette soirée, des chanteurs qui arrivent à vous émouvoir et de l’orchestre au plus près de Puccini. Nous découvrons Yaritza Véliz la jeune soprano chilienne qui fait ses débuts à l’Opéra de Paris. Mimi fait partie de son répertoire et elle l’incarne très bien. La pureté des attaques et le moelleux de sa voix font merveille avec une intelligence du legato qui laisse tendresse et peurs s’exprimer. Dans un jeu qui se plie à la mise en scène elle reste émouvante et “Mi chiamano Mimi…” est un
moment de charme et d’élégance. La voix, qui ne force jamais les aigus reste fraîche et claire et se trouve en parfaite adéquation avec le Rodolfo de Joshua Guerrero. Après une première attaque qui paraissait un peu faible, l’on a pu apprécier sa voix homogène au timbre velouté. “Che gelida manina…” est un modèle de douceur dans un médium harmonieux qui n’enlève rien à l’éclat des aigus. Si la voix prend des accents dramatiques alors qu’il évoque la maladie de Mimi, c’est la poésie qui ressort dans toute son interprétation alors qu’ils se quittent dans un même souffle musical. La Musetta d’Andrea Caroll à la voix facile et ductile est amusante dans sa prestation style cabaret. Très à l’aise dans son jeu elle projette sa voix mélodieuse en toute liberté. Etienne Dupuis lui donne la réplique dans un Marcello d’une grande justesse
d’interprétation scénique et vocale. Sa voix de baryton au timbre chaleureux apporte du relief à chaque phrase où la sensibilité est souvent au bord des lèvres. Si Alexandros Stavrakakis prête sa voix à Benoît…mort, c’est Colline que l’on retiendra tant, dans son adieu à sa pelisse “Vecchia zimarra, senti…“, la basse grecque donne de dimension avec des graves timbrés et sonores. Ses qualités musicales laissent ressortir la sensibilité aussi bien que la technique du phrasé. Soutien et longueur de souffle. Superbe interprétation ! Si le rôle de Schaunard est plus effacé, Xiaomeng Zhang en donne une interprétation intéressante, laissant résonner sa voix chaude de baryton avec élégance.
L’on remarque aussi la voix et le jeu de l’Alcindoro de Franck Leguérinel ainsi que le ténor projeté du Parpignol de Hyun-Jong Roh. Virgile Cholet est un Maître de cérémonie mimé d’une grande présence. Le Chœur de l’Opéra de Paris bien préparé par Alessandro Stefano fait preuve d’une belle mise en place dans des rythmes et des attaques d’une grande précision. Une mention spéciale pour le Chœur d’enfants de la Maîtrise de l’Opéra Comique. Mais toute cette émotion n’aurait pu être ressentie sans l’extraordinaire prestation de l’orchestre sous la baguette inspirée de Domingo Hindoyan. Aucun effet de manches, direction sensible où pas un accent pas une respiration ne manquent. Velouté des sonorités, nuances précises, souplesse d’interprétation avec de remarquables instruments solistes. Du pur Puccini. Heureusement il y a la musique ! Photo Nathan Lainé / Opéra Bastille
Paris, le 8 octobre 2025
En ce mois de septembre 2025, l’Opéra National de Paris reprenait “La Bohème” dans la production de Claus Guth datant de 2017 avec 2 distributions différentes pour les 2 rôles principaux. C’est la deuxième distribution qui nous sera présentée. On est loin du scandale qu’a connu le public de la première en décembre 2017. Public décontenancé,
dans un vaisseau spatial en perdition vers une destination aléatoire. Tout cela allait mal se terminer et pour le spectacle, et pour Rodolfo qui allait mourir sur une planète gelée. Au cours des ans et des reprises, les esprits se sont calmés les spectateurs aussi. Mais quelle mouche a donc piqué Claus Guth qui nous a depuis donné de meilleurs spectacles ? La “Bohème” de Puccini est donc imaginée ici en réminiscence. Rodolfo et ses amis sont perdus dans l’espace à bord d’un vaisseau en détresse. Les vivres vont manquer, l’oxygène aussi, seuls les souvenirs les maintiennent dans un semblant de vie. Claus Guth respecte le livret et, en faisant abstraction du visuel, tout y est. Que manque-t-il alors ? L’atmosphère d’une époque révolue, le Paris du XIXe siècle avec sa poésie, le réel des situations vécues, et ce n’est pas peu. Commençons par certaines incongruités. Le lever de rideau nous entraîne dans le vaisseau spatial où s’inscrivent les nouvelles alarmantes,
le nombre de jours écoulés, l’oxygène qui s’amenuise… Rodolfo a un double, Benoît, mort, est dans un sac transparent…étrange. Mimi apparaît et l’on revit la rencontre avec Rodolfo, puis le rêve s’évanouit. Le Café Momus amène une agitation de serveurs avec un Maître de cérémonie omniprésent. Plus tard, nous serons déposés sur une planète où, bizarrement, il neige comme à Paris. Heureusement la musique est là, toujours, avec son lot d’émotions. Les décors créés par Etienne Pluss pourraient être bien conçus dans un autre contexte, mais n’apportent rien ici dans ce drame intimiste. Les costumes d’Eva Dessecker vont des tenues de cosmonautes à la petite robe rouge de Mimi d’un style très
actuel laissant le Chœur tout en noir ainsi que les enfants qui défilent avec une fusée gonflable tout juste sortie des Aventures de Tintin. Les lumières imaginées par Patrice Kabour, avec panne d’électricité, reflètent-elles les teintes blafardes qui éclairent cette planète où Rodolfo épuisé meurt emportant avec lui la vision d’une Mimi qui s’éloigne ? L’on peut comprendre le chahut lors de la première en 2017. Mais parlons plutôt de ce qui a été remarquable dans la “Bohème” de cette soirée, des chanteurs qui arrivent à vous émouvoir et de l’orchestre au plus près de Puccini. Nous découvrons Yaritza Véliz la jeune soprano chilienne qui fait ses débuts à l’Opéra de Paris. Mimi fait partie de son répertoire et elle l’incarne très bien. La pureté des attaques et le moelleux de sa voix font merveille avec une intelligence du legato qui laisse tendresse et peurs s’exprimer. Dans un jeu qui se plie à la mise en scène elle reste émouvante et “Mi chiamano Mimi…” est un
moment de charme et d’élégance. La voix, qui ne force jamais les aigus reste fraîche et claire et se trouve en parfaite adéquation avec le Rodolfo de Joshua Guerrero. Après une première attaque qui paraissait un peu faible, l’on a pu apprécier sa voix homogène au timbre velouté. “Che gelida manina…” est un modèle de douceur dans un médium harmonieux qui n’enlève rien à l’éclat des aigus. Si la voix prend des accents dramatiques alors qu’il évoque la maladie de Mimi, c’est la poésie qui ressort dans toute son interprétation alors qu’ils se quittent dans un même souffle musical. La Musetta d’Andrea Caroll à la voix facile et ductile est amusante dans sa prestation style cabaret. Très à l’aise dans son jeu elle projette sa voix mélodieuse en toute liberté. Etienne Dupuis lui donne la réplique dans un Marcello d’une grande justesse
d’interprétation scénique et vocale. Sa voix de baryton au timbre chaleureux apporte du relief à chaque phrase où la sensibilité est souvent au bord des lèvres. Si Alexandros Stavrakakis prête sa voix à Benoît…mort, c’est Colline que l’on retiendra tant, dans son adieu à sa pelisse “Vecchia zimarra, senti…“, la basse grecque donne de dimension avec des graves timbrés et sonores. Ses qualités musicales laissent ressortir la sensibilité aussi bien que la technique du phrasé. Soutien et longueur de souffle. Superbe interprétation ! Si le rôle de Schaunard est plus effacé, Xiaomeng Zhang en donne une interprétation intéressante, laissant résonner sa voix chaude de baryton avec élégance.
L’on remarque aussi la voix et le jeu de l’Alcindoro de Franck Leguérinel ainsi que le ténor projeté du Parpignol de Hyun-Jong Roh. Virgile Cholet est un Maître de cérémonie mimé d’une grande présence. Le Chœur de l’Opéra de Paris bien préparé par Alessandro Stefano fait preuve d’une belle mise en place dans des rythmes et des attaques d’une grande précision. Une mention spéciale pour le Chœur d’enfants de la Maîtrise de l’Opéra Comique. Mais toute cette émotion n’aurait pu être ressentie sans l’extraordinaire prestation de l’orchestre sous la baguette inspirée de Domingo Hindoyan. Aucun effet de manches, direction sensible où pas un accent pas une respiration ne manquent. Velouté des sonorités, nuances précises, souplesse d’interprétation avec de remarquables instruments solistes. Du pur Puccini. Heureusement il y a la musique ! Photo Nathan Lainé / Opéra Bastille