Toulon:”La finta giardiniera”

Toulon, Opéra, Stagione Lirica 2013/2014
“LA FINTA GIARDINIERA” K.196
Dramma giocoso in tre atti. Libretto attribuito a Giuseppe Petrosellini da un testo di Ranieri de’ Calzabigi.
Musica di Wolfgang Amadeus Mozart
Don Anchise, Podestà di Lagonegro COLIN BALZER
La Marchesa Violante sotto il nome di Sandrina LUCY HALL
Il Contino Belfiore ANICIO ZORZI GIUSTINIANI
Arminda, gentildonna milanese ANA MARIA LABIN
Il Cavalier Ramiro MARIE GAUTROT
Serpetta AURELIE LIGEROT
Nardo JOHN CHEST
Direction musicale  Andreas Spering
Mise en scène et costumes  Vincent Boussard
Décors Vincent Lemaire
Lumières Guido Levi
Dramaturgie et vidéo  Barbara Weigel
Toulon, 24 novembre 2013

Reprenant la production donnée au Festival d’Aix-en-provence en juillet 2O12, l’Opéra de Toulon nous présentait en ce dimanche après-midi, une Finta Giardiniera, remarquable en tous points.
On pouvait se demander comment l’adaptation pouvait être faite pour une petite scène intérieure, alors qu’au Grand Saint Jean à Aix-en-Provence, le charme de cette production semblait venir du fait qu’elle avait été faite pour un cadre extérieur enchanteur qui servait d’écrin à cette Giardiniera, dans un lieu exceptionnel avec coucher de soleil naturel.
Mais l’adaptation est si bien faite qu’on en oublie la première production. On a pratiquement gardé tous les accessoires qui servaient à la première mise en scène; les fleurs lumineuses montées sur des socles mobiles que les chanteurs font bouger en se déplaçant, le tuyau d’arrosage que l’on utilise avec humour, les chaises sur lesquelles sont juchés les personnages créant une illusion d’espaces, mais le plus remarquable est le rideau de tulle transparent brodé de roses et de feuillage qui parsème la scène de fleurs. C’est du plus bel effet et d’un goût délicieux, d’autant plus que les changements de lumières créent des atmosphères différentes laissant toujours apprécier le détail des broderies.
Une vidéo fait apparaître la lune qui grossit en s’en allant c’est simple mais bien imaginé. Il est à noter combien, parfois, avec peu de choses et beaucoup de goût on peut faire un spectacle dont on se souvient avec grand plaisir. Peu de changements dans les costumes superbes, élégants et seyants dont les couleurs sont en rapport avec la fraîcheur que l’on retrouve dans tout l’ouvrage; pas d’extravagance, l’époque est respectée avec toutefois un peu de fantaisie.
La bonne direction des acteurs leur permet d’évoluer avec une aisance qui donne du rythme à cette pièce enjouée.
Tout ici est en harmonie et il est agréable de constater que même dans de petites villes on peut donner des spectacles qui n’ont rien à envier à certaines grandes productions. En lisant le livret on pense que cette histoire est assez embrouillée et c’est vrai, mais tout cela paraît beaucoup plus clair en regardant la scène.
En deux mots, Le Podestà veut marier sa nièce Arminda, au Comte Belfiore, sans savoir que celle-ci a été fiancée à son ami Ramiro qu’elle a quitté. Le Podestà lui même est amoureux de Sandrine la Giardiniera, en réalité Violante qui avait été blessée par son ancien fiancé le Comte Belfiore et que l’on croit morte. Le valet de Violante devient le jardinier Nardo, amoureux de la servante Serpetta elle même amoureuse du Podestà. On le voit, tout cela est assez confus. Mais finalement chacun épousera sa chacune et le Podestà restera seul avec ses pensées philosophiques.
Certains chanteurs faisaient déjà partie de la production du Festival d’Aix-en-Provence. C’est le cas de Colin Balzer, qui interprète le Podestà. Ce ténor que nous avions apprécié alors, semble avoir gagné en aisance sur cette scène plus petite qu’il n’est pas obligé de parcourir en tous sens. Ces qualités vocales sont toujours présentes. La voix naturelle passe sans forcer et sa souplesse lui permet des nuances sans dureté tout en gardant un tempo soutenu. Un timbre agréable, une rondeur de son dans chaque registre ajoutés à un style sans reproche font de lui un mozartien que l’on a plaisir à écouter. Investi dans ce rôle qu’il joue avec justesse et humour, il rend le personnage amusant et attendrissant.
John Chest qui chante Nardo, était lui aussi présent dans la production du Festival d’Aix-en-Provence. Toujours aussi à l’aise, il joue avec charme et efficacité. On apprécie sa voix de baryton au timbre rond et chaleureux, sa belle diction et l’intelligence avec laquelle il peut moduler sa voix dans les septuors tout en restant présent.
Anicio Zorzi Giustiniani qui est ici le Comte Belfiore est nouveau dans cette distribution. Il chante avec élégance, justesse et nuances sans aucune exagération. Il possède une voix de ténor ronde et chaleureuse aux aigus mélodieux dont il se sert avec beaucoup de style. Il se fond avec homogénéité dans les ensembles vocaux et nous fait entendre avec Sandrine un beau duo chanté avec finesse et élégance. Ana Maria Labin déjà applaudie à Aix-en-Provence est toujours aussi agréable à écouter qu’à regarder dans sa superbe robe de mariée. Elle joue Arminda avec panache et caractère. Sa voix est bien placée, elle l’utilise avec musicalité et prend ses notes avec beaucoup de délicatesse. Ses aigus faciles et très justes restent timbrés et mélodieux. Elle apporte cette note de fraîcheur que l’on retrouve dans tout l’ouvrage.
Aurélie Ligerot prètera cet après-midi sa voix à Sabine Devieilhe que nous avions écoutée à Aix-en- Provence dans le rôle de Serpetta. En effet cette dernière victime d’un problème vocal jouera le rôle sans chanter. Mais elle joue si bien que l’on se rendra très peu compte en définitive que ce n’est pas elle qui chante tant elle est Serpetta.
La voix d’Aurélie Ligerot est fraîche et juste, les vocalises sont chantées avec agilité nous donnant à entendre de jolis aigus avec desralentis bien amenés. Tout est chanté avec finesse avec une ligne de chant d’une grande musicalité.
On découvre Lucy Hall dans le rôle de Sandrina. C’est encore un rôle écrit pour une voix de soprano. Mutine et sensible elle joue avec intelligence et aisance sans jamais forcer les situations. Sa voix est fraîche et les vocalises de son Air sont délicates avec des aigus qui semblent suspendus. le timbre de sa voix et un joli phrasé font d’elle une Belle Giadiniera.
La seule voix de mezzo-soprano de ce quatuor féminin est dédiée à Don Ramiro, chanté par Marie Gautrot. Les rôles de travestis sont toujours délicats à interpréter, mais là encore, ce rôle est interprété avec justesse et sans ostentation. Dans cette distribution tout est chanté avec délicatesse et fraîcheur dans un style qui correspond au style des oeuvres de jeunesse de Mozart.
La voix de Marie Gautrot est bien placée et homogène dans chaque registre. Elle l’utilise avec souplesse sachant faire ressortir ses sentiments par les seules inflexions de sa voix. Le timbre un peu sombre s’accorde avec le caractère de son personnage et c’est encore avec souplesse qu’elle monte ses nuances. Elle fait ici une belle prestation.
Après avoir dirigé Le Cercle de l’Harmonie au Festival d’Aix-en-Provence, Andreas Spering dirige l’orchestre de l’Opéra de Toulon. S’il dirige sans baguette, il est d’une grande précision. Habitué au répertoire baroque, il fait montre d’une musicalité remarquable et d’une grande connaissance de la musique de Mozart. Sans aucune faute de goût il accompagne les chanteurs avec souplesse n’hésitant pas à faire ressortir les passages soli de l’orchestre. Dirigeant dans un tempo modéré il arrive à donner une rondeur de son au quatuor et un moelleux aux cuivres qui permettent à l’orchestre de sonner sans couvrir les chanteurs. Les notes jouées au fond des temps sont d’une belle profondeur et le détaché incisif ressort sans dureté.
C’est un chef d’orchestre qui a du style et qui sait le communiquer à l’orchestre qui semble avoir trouvé auprès de lui une réelle dimension mozartienne. Une représentation de haut niveau sans aucun bémol, empreinte de fraîcheur avec de jeunes chanteurs talentueux. Photo Frédéric Stephan