Opèra de Toulon:”La Cenerentola”

Opéra de Toulon, Saison Lyrique 2013/2014
“LA CENERENTOLA”
Dramma giocoso in due atti su libretto di Jacopo Ferretti, da Perrault.
Musica di Gioachino Rossini
Don Ramiro DAVID ALEGRET
Dandini DAVID MENÉNDEZ
Don Magnifico EVGENY STAVINSKY
Clorinda CAROLINE MENG
Tisbe ELISA CENNI
Alidoro JAN STAVA
Angelina, detta Cenerentola JOSÉ MARIA LO MONACO
Orchestre et choeur de l’Opéra de Toulon
Direction musicale  Edmon Colomer
 Mise en scène, scénographie et costumes Jean-Philippe Clarac et Olivier Deleuil
Lumières Rick Martin
Toulon, 26 janvier 2014

C’est dans une toute nouvelle production que l’Opéra de Toulon nous présente La Cenerentola. Cet opéra bouffe que Gioachino Rossini compose à l’âge de 24 ans, d’après un conte de Charles Perrault, dont le livret est de Jacopo Ferreti, est créé le 28 janvier 1817 au Théâtre Valle de Rome, sans avoir le succès qu’il obtiendra ultérieurement. Le librettiste en modifie quelques éléments, la pantoufle de vair est ici un bracelet, le rôle de la fée est donné à Alidoro, tuteur du Prince, et l’acariâtre belle-mère est remplacé par Don Magnifico, beau-père de la Cenerentola qui s’appelle ici Angelina. Jacopo Ferreti introduit le comique de situation dans ce Melodrama giocosa, où quiproquo et inversion de rôles entre le Prince et son valet créent le côté bouffe. Tout en restant très proche du conte de Charles Perrault on voit bien qu’ici tout est prétexte pour nous divertir.Adieu fée et citrouille, place aux vocalises. On retrouve dans toute cette pièce, l’influence de Mozart, dont Rossini reste l’héritier; il garde le mode récitatif, les ornementations, les vocalises et les utilise avec beaucoup de brio.
Jean-Philippe Clarac et Olivier Deleuil signent la mises en scène, la scénographie et les costumes, comme ils l’on fait la saison dernière dans ce même théâtre pour les Dialogues des Carmélites. Ils utilisent un style assez minimaliste et tout à fait moderne, loin des diktats scéniques de l’époque de Rossini.Un décor unique dans ce qui pourrait être un fond de scène, une énorme caisse en bois mobile et reconfigurée au fil des scènes tient lieu de point de rencontre, de maison bourgeoise de palais princier ou de cave où l’on boit. Tout ceci donne un air de jeunesse et de fraîcheur mais enlève aussi le côté merveilleux que l’on aime retrouver dans les contes.On imaginerait plus facilement ce décor pour un opéra joué à l’extérieur plutôt que dans ce joli théâtre à l’italienne. Le Prince est un joueur de polo venu avec son équipe, tous vêtus comme tels, les deux soeurs ont des costumes amusants, et sont coiffées d’énormes noeuds de couleurs qui retiennent leurs cheveux roux ou roses. puis on cesse de penser à ce que l’on aurait aimé voir pour se consacrer à ce que l’on entend car là est la surprise, la distribution est de très haut niveau et d’une grande homogénéité.
José Maria Lo Monaco est Angelina. Cette merveilleuse mezzo rossinienne, aborde aussi d’autres rôles et d’autres compositeurs, c’est ainsi qu’elle chante Carmen (rôle titre) à Lyon, ou Maddalena (Rigoletto) au Festival d’Aix-en-Provence où nous l’avions découverte. Mais ici c’est une révélation qui a enthousiasmé le public. Elle entonne sa canzona ” Una volta c’era un re” d’une voix grave à l’émission naturelle qui tout de suite remplit la salle. Immédiatement nous sommes séduits par la beauté de cette voix au timbre chaud qui allie puissance et légèreté, diction, projection et sensibilité. Ses vocalises agiles sont chantées avec assurance et virtuosité et les nuances faites avec intelligence n’alternent en rien l’ampleur de sa voix chaleureuse dont le velouté s’harmonise avec les voix de ses partenaires, ainsi qu’il en est dans le duetto de Ramiro et Cenerentola ” Un soave non so che” du 1er acte Ses aigus sont beaux, puissants et colorés. Les rôles chantés par des mezzo colorature ont une profondeur que l’on ne retrouve pas forcément chez une soprano colorature.
José Maria Lo Monaco, n’est pas seulement une superbe chanteuse, elle est aussi une excellente comédienne et son interprétation sensible nous laisse sous le charme. Caroline Meng et Elisa Cenni, les deux soeurs de Cenerentola, respectivement Tisbe et clorinda sont elles aussi tout à fait bien dans leurs rôles de pestes un peu caricaturées, elles jouent avec nuance et humour . Leurs voix gardent une rondeur de son et un timbre agréable même dans l’utilisation comique. Une belle technique et une grande musicalité, les mettent à la hauteur des rôles plus importants.
David Alegret (Ramiro)  est le type même du ténor rossinien, voix claire qui porte, vocalises agiles, un timbre un peu serré peut-être, mais aux aigus faciles. Sans être vraiment éclatants, ses ” contre ut ” sont agréables et on l’écoute avec plaisir seul, ou en duo. Il joue bien mais dans cette tenue sportive il est difficile d’être élégant et ce n’est pas le costume, digne de celui du Chat Botté qu’il porte à la fin qui lui donnera plus de splendeur. C’est David Menéndez qui incarne Dandini avec maestria. Son jeu juste et amusant aussi bien que sa voix profonde et chaleureuse, sont déterminants pour le succès du spectacle. Il est à l’aise, nous offre de magnifiques vocalises et obtient un réel succès personnel. Evgeny Stavinskiy prête sa voix de basse à Don Magnifico. Il s’impose par sa stature, son jeu et surtout par sa voix au timbre chaleureux. Malgré son rôle comique, il sait faire ressortir la musicalité grâce à une technique sans faille, une bonne projection et une belle couleur. C’est très bien chanté d’une voix solide et homogène. Sans être aussi sonore que celle de Don Magnifico, la voix de basse de Jan Stava sert avec justesse le rôle d’ Alidoro. La souplesse, la rondeur de sa voix et ses inflexions nuancées donnent un certain poids au personnage.Le choeur d’hommes, bien préparé et faisant montre d’un bel ensemble est remarqué et très applaudi. Jean- Philippe Clarac et Olivier Deleuil ont voulu faire ressortir certains symptômes de notre société mais ce n’est pas très évident, on retiendra surtout une envie de divertir ( et en cela c’est réussi ), avec une mise en scène intimiste et minimaliste où les petits rats utilisés par Walt Disney pour conduire le carrosse sont ici représentés par des enfants en costumes d’aviateurs qui vont emmener Cenerentola dans les airs à l’aide de ballons de couleurs. C’est frais et sans prétention.L’orchestre de l’Opéra de Toulon, au mieux de sa forme, une belle sonorité, de jolies nuances qui permettent de ne jamais couvrir les chanteurs, est placé sous la baguette claire et efficace d’Edmon Colomer. Des tempi peut-être un peu lents ôtent le côté percutant et joyeux de certains passages.Un après midi divertissant et musicalement très réussi .