Festival de Pâques 2014, Aix-en-Provence:Bernard Foccroulle & Lynette Wallworth

Festival de Pâques 2014. Aix-en-Provence. Eglise St Jean de Malte.
DARKNESS AND LIGHT
Orgue: Bernard Foccroulle
Création vidéo: Lynette Walworth 
Toshio Hosokawa: Cloudscape
Bernard Foccroulle:
Kolorierte Flöten
Nicolas de Grigny:
Récit de tierce en taille
Jehan Alain:
Première Fantaisie. Litanies
Dietrich Buxtehude:
Durch Adam’s Fall Bux WV 183. In dulci jubilo, Bux WV 197
Sofia Gubaidulina:
Hell und Dunkel
Olivier Messiaen:
Deux pièces pour ” la messe de Pentecôte “; Communion ” les oiseaux et les sources “;  Sortie ” Le vent et l’esprit “.
Jean Sebastian Bach:
Erbam’ dich mein, O Herre Gott, BWV 721.
Dietrich Buxtehude:
Passacaille en ré mineur, Bux WV 161
Aix-en-Provence, 22 avril 2014

Ce soir, l’église St Jean de Malte recevait Bernard Foccroulle dans le cadre du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Plus connu dans cette ville pour être le Directeur du Festival d’Art Lyrique, c’est Bernard Foccroulle l’organiste, qui nous donnait rendez-vous ici, en compagnie de Lynette Walworth qui avait créé des vidéos d’une étrange beauté pour cette soirée très spéciale. Images et musique pour un spectacle à quatre mains.
La superbe église gothique qui possède un orgue contemporain de Daniel Kern, était tout à fait adaptée pour cet évènement, assez spacieuse pour accueillir un nombreux public amateur de récitals d’orgue, elle est assez intime pour nous maintenir dans des atmosphères envoûtantes. Bernard Foccroulle avait choisi plusieurs pièces dont les compositeurs allaient nous faire traverser plus de trois siècles en une seule soirée.  De Dietrich Buxtehude et Nicolas de Grigny, les compositeurs les plus anciens qui auront influencé Jean Sebastian Bach, à Olivier Messiaen, qui influencera automatiquement les plus contemporains des compositeurs mis à l’honneur ce soir. Bernard Foccroulle joue avec plénitude sur cet orgue de facture allemande, faisant ressortir avec beaucoup d’intériorité, les timbres et les registre choisis, enlevant le côté quelquefois pompeux que peut avoir cet instrument complexe, tout en lui gardant éclat et grandeur pour quelques instants plus spectaculaires. Le travail effectué en collaboration avec Lynette Walworth, est un travail formidable, où l’on sent la cohésion, la compréhension,  et la parfaite osmose qui unit ces deux artistes. Les images en vidéo adaptées aux oeuvres musicales, font montre d’une réelle intelligence, et le résultat est de toute beauté. Les nuages dans un ciel lunaire accompagnent une atmosphère suspendue.
Les flammes qui sortent des hautes cheminée industrielles, semblent tout droit venir des tuyaux de l’orgue aux sons puissants.
Une pluie d’étoiles dans un ciel noir bleuté et les arbres inondés, reflètent une étrange solitude, imagée par une palette étendue de sons donnés par les différents registres de l’orgue. C’est un véritable dialogue qui s’est installé entre la musique et l’image: aux gouttes de pluie, répondent des sons aiguës qui crépitent.
Plus structurées et mesurées, sont les notes jouées telle une Toccata, qui illustrent un enchevêtrement d’arbres dans une eau frémissante ; beauté des sons qui éclairent un paysage aux couleurs froides, portant vers la spiritualité. Rouge, le soleil sur la savane australienne. Rouge aussi, le feu qui brûle les pins, et plus grinçantes sont les harmonies. Une mélopée, comme une cantilène sous un ciel nuageux, apporte un calme étrange. Mais vive est l’eau sur l’herbe aquatique, et fortes et coulantes sont les notes ; plus vite, plus forts sont les frémissements. Quelques sublimes pastilles de couleurs et une vidéo à grande vitesse qui brouille les images comme vues d’un train en marche, nous entraînent vers le ciel dans un son de cathédrale.
Un soleil timide perce au travers des branches calcinées sur une musique plus classique, plus structurée, et nous voici devant une ville en demi-obscurité, sur des notes en demi-teinte. Une fumée volatil, et l’orgue aux notes rapides en trilles se fait grinçant ; grondement de la musique tel le grondement du feu des usines ; soleil blafard en double vision, et la musique se fait plus intellectuelle, plus inquiétante aussi, où va-t-on ? Qu’arrive-t-il ? que devient-on ? Musique qui monte dans l’aigu comme un questionnement, comme une fuite, où ? où ? Une fuite encore, celle des oiseaux sur des sons insupportables ; l’infini, la non réponse, le vide. La musique d’Olivier Messiaen appelle les oiseaux, contrastes, vol rapide sur une musique lente. Large vibrato, larges vibrations pour un reflet de rocher dans l’eau. Harmonies qui se chevauchent sans rompre la ligne musicale. Superbe ! Sur un tableau à la Claude Monet avec des reflets dans l’eau, un détaché répétitif qui transcende et apaise, avec une justesse de jeu, une justesse de tempo et les infinies possibilités de l’orgue. La vision se brouille, l’esprit s’élève….Retour sur la route bleue, et l’orgue qui chemine dans un tempo allant nous emmène vers une destinée sans espoir de changement de ligne. Seule la musique sait où elle va. Concert étrange, sublime, qui laisse des atmosphères ça et là, joué par un Bernard Foccroulle habité mais discret, qui correspond tout à fait au portrait qu’il nous avait laissé faire de lui il y a quelques mois. Photo Caroline Doutre