Festival de Pâques saison2015, Grand Théâtre de Provence.
Violon Renaud Capuçon
Piano Frank Braley
Ludwig van Beethoven: Sonates No1 en ré majeur op. 12, No5 en fa majeur op. 24, No10 en sol majeur op.96
Aix-en-Provence, le 8 avril 2015
Le public du Festival d’Aix-en-Provence semblait un peu dérouté en cette soirée du 8 avril par les changements successifs survenus, mais aucun concert n’ayant été annulé et une coupe de champagne étant offerte à l’entracte, les surprises ne s’annonçaient pas mauvaises. En effet, suite à un problème de santé, Maria Joao Pires ne pouvait assurer le concert, et le duo qu’elle devait former avec Augustin Dumay était remplacé par Renaud Capuçon et Frank Braley sans modification de programme. On doit remercier chaleureusement ces deux artistes d’avoir ainsi sauvé cette soirée tant attendue. Si l’on ne présente plus Renaud Capuçon dans ces pages, on doit signaler la brillante carrière de Frank Braley, qui remporte en 1991 le Premier Grand Prix du prestigieux Concours Reine Elisabeth de Belgique, et qui se produit sur les plus grandes scènes tant en récital qu’en soliste avec orchestre. Etonnant Renaud Capuçon qui, après avoir joué le concerto de Beethoven avec le Scottish Chamber Orchestra, le concerto pour violon de Wolfgang Rihm dont il est le dédicataire, avec l’orchestre du Capitole de Toulouse, et avoir participé au concert Frères et Soeurs, allait, sans aucune hésitation, accepter de jouer trois sonates de Beethoven au pied levé. Ces deux artistes se connaissent très bien et ont déjà enregistré l’intégrale des sonates de Beethoven, album sorti en 2011 et qui a reçu les plus vifs éloges de la critique. La sonate No1 op. 12, la sonate No5 ( Le Printemps ) op. 24, et la sonate No10 op. 96 étaient au programme. Le concert débutait avec la sonate No1 de Beethoven. Composée entre 1797 et 1798 et dédicacée à son maître Antonio Salieri, cette sonate ne comporte que trois mouvements. Encore écrite dans ce style mozartien que l’on retrouve dans ses premières symphonies, elle sera accueillie fraîchement par la critique. Si Beethoven écrit ces sonates en privilégiant le piano, lui donnant souvent la parole en laissant le rôle d’accompagnateur au violon, nous le trouvons souvent ici trop présent, ce qui enlève un peu de la délicatesse contenue dans cette composition. Renaud Capuçon toujours à l’aise, avec une facilité de main gauche et un archet nerveux, ne réussit pas à faire passer les sonorité du violon auxquelles nous sommes habitués et c’est un grand dommage car l’on sent sa musicalité jusqu’à la pointe de son archet. Si l’on reconnaît au pianiste sa belle technique, ses notes sont souvent trop sèches et ne sont plus en phase avec le jeu délicat du violoniste dont les nuances sont un peu trop poussées par rapport au jeu affirmé du piano. Frank Braley joue pourtant avec aisance et un joli phrasé, mais un peu trop de pédale peut-être, et une place face au piano ouvert font que les sons nous paraissent trop fort. La sonate No5 en fa majeur ( Le Printemps ) écrite entre 1801 et 1802, sans doute la plus connue, est dédicacée au Comte Moritz un de ses mécènes. Ecrite en quatre mouvements, elle est sans doute la plus poétique, avec de beaux accents romantiques ou plus joyeux. La belle phrase d’entrée nous transporte, avec un tempo allant, dans la musicalité Beethovénienne et vers de jolies lumières pas trop éclatantes. Renaud Capuçon, avec sa remarquable technique d’archet, accompagne le pianiste dans des bariolages feutrés. Si Frank Braley semble modérer sa fougue, quelques accents trop durs rompent un peu l’atmosphère recherchée par le violoniste qui nous fait tout de même goûter à la finesse de l’écriture de Beethoven grâce à sa grande connaissance de l’instrument liée à une connaissance approfondie de l’oeuvre. La sonate No10, composée dix ans après la No9, dite à Kreutzer est dédicacée à l’Archiduc d’Autriche Rodolphe. Ecrite elle aussi en quatre mouvements, dont trois sont assez vifs et enjoués, elle est très mélodique et comporte de belles phrases musicales avec une certaine tension dans les crescendi et des changements de nuances qui amènent des sentiments différents. Deuxième mouvement d’un grand calme, plus léger et vif par la suite, avec des oppositions de nuances et des dialogues violon piano qui finissent dans un fougueux crescendo. Ce duo d’une grande mise en place nous laisse un peu déçus par un certain déséquilibre mettant ainsi le violoniste trop en retrait. Ces deux artistes généreux et heureux de jouer ensemble, nous offrent en bis des extraits d’autres sonates de Beethoven qui nous font percevoir les côtés spirituels ou sereins d’un compositeur délicat et sensible. Un concert qui a soulevé l’enthousiasme du public. Photo Caroline Doutre