Diana Damrau & Nicolas Testé en concert a l’Opéra de Marseille

Opéra, Marseille, saison 2016 / 2017
Orchestre Philharmonique de Marseille
Direction musicale Lukasz Borowicz
Soprano Diana Damrau
Baryton basse Nicolas Testé
En program musiques de Wolfgang Amadeus Mozart, Vincenzo Bellini, Louis-Ferdinand Hérold, Giacomo Meyerbeer, Emmanuel Chabrier, Jules Massenet, Richard Wagner, Giuseppe Verdi, Giacomo Puccini, Amicare Ponchielli, Vincenzo Bellini.
Marseille, le 6 novembre 2016
Le public marseillais aime les voix et le fait savoir en se déplaçant nombreux et en applaudissant à tout rompre chaque fois qu’une star du chant lyrique se produit à Marseille. Aussi, c’est sans aucune inquiétude quant au remplissage de la salle, et dans une tradition tout à fait marseillaise que Maurice Xiberras, Directeur général de l’Opéra de Marseille, engage les plus grands chanteurs du moment, dès que l’occasion se présente, et suivant les disponibilités de chacun. En ce dimanche après-midi, la charismatique soprano allemande Diana Damrau venait se produire sur la scène de l’opéra, entre des représentations des Nozze di Figaro, données à La Scala de Milan. Un véritable cadeau ! Mais Diana Damrau n’était pas venue toute seule, le baryton basse Nicolas Testé, bien connu du public marseillais, l’accompagnait pour de grands airs du répertoire, mais aussi pour des duos de charme. De ce couple, uni dans la vie aussi bien que sur la scène, se dégage une complicité, un amour partagé, une passion pour la musique qui feront monter les larmes aux yeux des spectateurs dans le duo de Porgy and Bess de George Gershwin chanté en bis. Un après-midi placé sous le charme, le talent et la générosité des chanteurs, que nous sommes heureux d’avoir partagé dans cette belle salle Art déco de l’Opéra de Marseille. Un programme qui fait la part belle au chant, mais aussi à la musique en général, pour une période allant du XVIIIe au tout début du XXe siècle, dans un choix très élaboré sans aucune rupture musicale. De Wolfgang Amadeus Mozart à Giacomo Puccini, en passant par Richard Wagner, l’orchestre allait, avec souplesse, accompagner et faire le lien entre les différents styles. Enumérer les qualités qui font de Diana Damrau une chanteuse d’exception, c’est aller de superlatif en superlatif. Dès l’air de la Contessa Almaviva “E Susana non vien..”, Le Nozze di Figaro, tout Mozart est contenu dans la délicatesse de son chant. Et, quoi qu’elle chantera, elle le fera avec une grande élégance qui laissera malgré tout poindre son tempérament. Il y a dans cet air, plus que dans tout autre, cette fébrilité en rapport avec le texte qui n’enlève nullement la facilité d’émission. Cette voix chaude au timbre coloré et au vibrato naturel, nous la retrouverons dans chaque air, chaque duo. Elle accorde son tempérament, sa voix, aux différents compositeurs chantant en français dans une belle diction, ” Nobles seigneurs, salut !” – “Piff paff”, Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer, avec une pointe d’humour et une grande facilité d’expression. Trilles, vocalises, staccato, sont chantés avec agilité dans une voix claire et précise. Charme, aisance, souplesse se retrouvent dans chaque interprétation. Mais quel ravissement dans celle de Manon de Jules Massenet, “Suis-je gentille ainsi ?” – ” Je marche par tous les chemins” – ” Profitons bien de la jeunesse”. Spirituelle, mutine, la voix se plie aux fantaisies de cette chanteuse qui n’en manque pas. Diana Damrau laisse passer ses sentiments avec une homogénéité de legato dans chaque nuance et des aigus puissants et ronds. C’est du grand art, et avec simplement une voix… “Ah ! Non credea mirati”  – “Ah non giunge !” Vincenzo Bellini, La Sonnambula , une pureté de style pour un chant d’une grande beauté, et une belle souplesse pour un échange avec le violoncelle dans des respirations à l’unisson qui démontrent la musicalité qui habite la chanteuse. Les sforzandos dans le son, la légèreté des sauts d’intervalles qui laissent éclater des aigus puissants d’une grande richesse harmonique… les applaudissements jaillissent, et les brava leur font échos. Diana Damrau est une soprano généreuse, expressive sans exagération, avec une voix homogène sur toute l’étendue de son registre dont la technique lui laisse une grande facilité d’émission et d’expression mais aussi une couleur et une rondeur de son incroyable. Superbe ! Nicola Testé avait choisi des airs où l’étendue de sa voix pouvait prendre toute sa mesure. De Mozart à Verdi, en passant par Wagner ; c’est dans le registre grave que sa voix trouve son meilleur moyen d’expression. Leporello, l’air du catalogue, Don Giovanni, ouvre la partie chantée du concert avec aisance, dans un legato sonore et une belle projection, Mais c’est dans le rôle de Macbeth,Studio il passo moi figlio”, Giuseppe Verdi, que Nicolas Testé laisse avec bonheur la noirceur du personnage ressortir dans sa voix, donnant ainsi une grande crédibilité à ce Macbeth dont les aigus résonnent avec puissance. Daland,Mögst du, mein kind”, Der Fliegende Holländer, Richard Wagner, nous fait entendre une voix bien placée, dans une diction claire et un allemand parfait où le phrasé se coule dans la musique du compositeur. Si les aigus sont un peu courts, nous apprécions la belle rondeur du médium coloré et les graves posés et sonores. L’air d’Alvise “Si morir ella dè”, La Gioconda, Amicare Ponchielli, va donner l’occasion à Nicolas Testé de faire résonner sa voix profonde et affirmée où force et projection feront ressortir les rythmes dans un chant très investi. Mais peut-être est-ce dans les duos avec la soprano que nous ressentons le plus sa musicalité. Intéressants duos où chacun écoute l’autre, s’accorde dans une même respiration et module son timbre pour émettre les mêmes vibrations. Ainsi aimons-nous l’équilibre des voix et le sens musical dans le duo entre Elvira et Giorgio “O amato zio, o mio secondo padre !” I Puritani, Vincenzo Bellini, aussi bien que dans le duo Amalia/Massimiliano, “Mio Carlo…Ei sogna” I Masnadieri Giuseppe Verdi, où les sensibilités et les tessitures différentes font ressortir une esthétique musicale identique dans une homogénéité de voix. Trois bis nous étaient offerts. Colline “Vecchia zimarra senti”, La Bohème, Giacomo Puccini, interprété par Nicolas Testé ; ne va-t-il pas le chanter au Bayerische Staatsoper de Munich dans les jours qui viennent ? Nicolas Testé est un chanteur sensible et il sait parfaitement comment transmettre, au travers de sa voix, l’émotion contenue dans ce rôle. Et de l’émotion, nous en éprouvons encore avec Diana Damrau pour O mio babbino caro”, Gianni Schicchi, Giacomo Puccini, cet air si beau, si tendre. Mais quel charme dans l’expression et quelle puissance aussi sans forcer, et toujours cette émotion contenue dans la voix. Superbe ! Un duo aux accents de l’Amérique avec Porgy and Bess de George Gershwin. La voix profonde de Nicolas Testé, la sincérité du chant, le charme de Diana Damrau en réponse, et la beauté du couple dans la complicité musicale ont soulevé l’enthousiasme d’un public ému aux larmes.
Le chef polonais Lukasz Borowicz était pour la première fois à la tête de l’orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille. Investi, certes dans les accompagnements ou dans les morceaux choisis pour l’orchestre seul. L’ouverture de Don Giovanni, Mozart,  Zampa ou la fiancée de marbre, Louis-Ferdinand Hérold, moins joué mais très attrayant, Idylle, extrait de la Suite Pastorale d’Emmanuel Chabrier, coloré et délicat, et l’Intermezzo aux envolées romantiques de Manon Lescaut, Giacomo Puccini, avec le très joli solo alto, violoncelle, violon, aux respirations sensibles. Si le jeune chef d’orchestre insuffle un certain tempo, une dynamique aux musiciens, faisant ressortir de belles phrases musicales ou certains éclats sonores (Zampa), il n’arrive pas toujours à maîtriser les attaques et les changements de tempi. Mais sans doute, a-t-il réussi à trouver de jolies sonorités à l’ensemble des pupitres en général, et aux solistes en particulier. Un après-midi de musique pure où le public, séduit de la première à la dernière note quitte la salle avec des étoiles dans les yeux et des harmonies au fond du coeur. Photo Michele Clavel