Marseille, Opéra municipal, saison 2018/2019
“SIMON BOCCANEGRA”
Opéra en un prologue et 3 actes, Livret de Francesco Maria Piave et Arrigo Boito d’après la pièce d’Antonio Garcia Gutiérrez.
Musique de Giuseppe Verdi
Amelia OLESYA GOLOVNEVA
La servante d’Amelia LAURENCE JANOT
Simon Boccanegra JUAN JESUS RODRIGUEZ
Jocopo Fiesco NICOLAS COURJAL
Gabriele Adorno RICCARDO MASSI
Paolo Albiani ALEXANDRE DUHAMEL
Pietro CYRIL ROVERY
Un Capitaine CHRISTOPHE BERRY
Orchestre et Choeur de l’Opéra de Marseille
Direction musicale Paolo Arrivabeni
Chef de Choeur Emmanuel Trenque
Mise en scène Leo Nucci
Décors Carlo Centolavigna
Costumes Artemio Cabassi
Lumières Claudio Schmid
Marseille, le 2 octobre 2018



Juan Jesus Rodriguez, que nous avions déjà applaudi dans le rôle de Macbeth sur cette scène en
2016, prête sa belle allure et sa haute stature au personnage de Simon Boccanegra. Voix superbe déjà dans le rôle de Macbeth, on retrouve ici toutes les qualités qui nous avaient séduits alors. Un phrasé très musical, une belle diction aux notes projetées et une superbe conduite de la voix qui n’attirent aucun reproche. Juan Jesus Rodriguez n’en fait jamais trop, ni dans sa prestation scénique ni dans son interprétation vocale, loin du pathos mais tout en sensibilité musicale. La puissance est là, sans exagération, et la couleur chaude du médium est conservée jusque dans les aigus ronds et tenus. Projetée avec naturel sa voix garde une grande homogénéité dans chaque registre. Avec des attaques de notes franches mais néanmoins moelleuses, le baryton espagnol adapte sa voix pour des duos sensibles avec Amelia, ou fait preuve de plus d’affirmation face au traître Paolo ou aux luttes fratricides que se livrent patriciens et plébéiens. Juan Jésus Rodriguez porte avec force et intelligence ce rôle de pacificateur et nous livre une mort de Boccanegra remplie d’émotion. Face à lui, Nicolas Courjal, bien connu et très apprécié par le public marseillais, prête sa voix de basse à un Jacopo Fiesco inquiétant qui laisse résonner des graves tenus. Ce rôle froid et hautain, éloigné des passions lui va bien. Malgré une voix aux résonances profondes et aux qualités indéniables, nous retrouvons certaines inégalités dans la conduite de sa voix et nous redisons: c’est dommage ! Car, une
réelle voix de basse aux aigus francs, projetés et aux graves sonores et tenus est rare. De beaux moments lorsque Nicolas Courjal retrouve plus de legato dans de délicats pianissimi ou dans la colère, et de beaux échanges en duos avec Boccanegra, deux voix qui s’unissent dans la couleur. Nous ne pouvons qu’espérer que la basse française garde ses qualités tout en gommant ses petites inégalités sonores. Autre voix grave, celle du baryton français Alexandre Duhamel. Déjà applaudi dans le rôle de Guglielmo (Cosi fan tutte) en novembre 2015 sur la scène de l’Opéra de Toulon, il est ici un Paolo Albiani très crédible dans une voix grave qu’il sait rendre violente ou plus venimeuse. Si ses graves semblent un peu étouffés, ses aigus sonores et projetés portent loin. C’est toutefois dans un dernier souffle de haine, alors qu’il est enchaîné que les accents sont les plus dramatiques. Une belle interprétation scénique aussi bien que vocale. Riccardo Massi est le vaillant Gabriele Adorno. Nous avions déjà applaudi sa voix percutante dans La Gioconda (Ponchielli) sur cette scène, une voix qui a gardé toute sa fougue. Le ténor italien nous fait entendre de beaux aigus clairs, tenus et colorés, mais aussi des modulations plus délicates dans de jolis phrasés. Ténor sincère, Riccardo Massi nous propose de belles phrases musicales dans un duo sensible avec Amelia sur de bonnes tenues de souffle. Une voix qui passe sans forcer dans les ensembles. La soprano russe Olesya Golovneva est une Amelia qui paraît assez inégale au premier acte avec une émission un peu hâchée. Prenant une certaine assurance, elle donnera par la suite une bonne interprétation de ce rôle avec des aigus assurés et puissants et des duos sensibles. Sa voix prend de l’ampleur et le timbre s’arrondit au fil des tableaux la rendant plus émouvante. Un beau moment d’émotion lors de la mort de Boccanegra pour un trio équilibré. Dans des rôles plus secondaires mais toutefois à remarquer, le Pietro de Cyril Rovery, baryton basse au timbre et au jeu inquiétants. Une interprétation juste et en place dans la vision du rôle et scénique et musicale. Interprétation remarquée aussi, celle de Cristophe Berry, dont la voix vaillante au timbre clair et projeté passe sans forcer. Déjà applaudi
dans Boris Godounov (l’Innocent), il fait preuve de musicalité et d’intelligence vocale dans chacune de ses interprétations. Il est à noter aussi la présence vocale et scénique de Laurence Janot dans le rôle de La Servante d’Amelia malgré sa brièveté. Sans être réellement un opéra écrit pour les choeurs, Simon Boccanegra donne toutefois maintes occasions de les mettre en valeur. Choeur d’hommes, de femmes ou mixte, sur scène ou en coulisses. Leur interprétation est toujours juste, dans des voix homogènes aux attaques précises et toujours très bien préparés par Emmanuel Trenque. On apprécie aussi les atmosphères créées par ces ensembles jusqu’à ces malédictions murmurées et qui répondent avec contraste à la voix sonore d’un Paolo terrorisé. Nous retrouvons avec plaisir le maestro Paolo Arrivabeni qui nous avait procuré de si grandes émotions dans le Lohengrin donné à Marseille au mois de mai dernier. Autre musique, autre compositeur, mais toujours une réelle entente avec le plateau (chanteurs, mise en scène). Dès l’introduction à l’orchestre, l’atmosphère est créée avec un tempo modéré, des sons posés et les timbres sombres du quatuor. Le maestro fait ressortir l’intensité et l’expression jusque dans l’accompagnement des chanteurs, tout en faisant ressortir le caractère des personnages. En adéquation avec la mise en scène, peu d’éclats malgré des oppositions de nuances, des grands crescendi et la puissance des cuivres. Dans une recherche des sonorités, Paolo Arrivabeni laisse s’exprimer celles du cor anglais, de la clarinette, de la clarinette basse ou des cors dans des solos expressifs. Une direction mesurée qui n’exclut pas le lyrisme et laisse sonner un orchestre qui suit le chef avec précision jusque dans chaque changement de tempo. Une très belle interprétation orchestrale. De très longs applaudissements enthousiastes viendront récompenser les artistes pour ce spectacle particulièrement réussi. Une superbe ouverture de saison. Photo Christian Dresse


