Marseille, Opéra municipal, saison 20019 / 20020
“DIE ZAUBERFLÖTE (La flûte enchantee)
Siegspiel en deux actes, livret d’Emmanuel Schikaneder
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart
Pamina ANNE-CATHERINE GILLET
Reine de la Nuit SERENAD UYAR
1ère Dame ANAÏS CONSTANS
2ème Dame MADJOULINE ZERARI
3èmè Dame LUCIE ROCHE
Papagena CAROLINE MENG
Tamino CYRILLE DUBOIS
Papageno PHILIPPE ESTEPHE
Sarastro WENWEI ZHANG
Monostatos LOÏC FELIX
L’Orateur FREDERIC CATON
1er Prêtre / 2ème Homme armé GUILHEM WORMS
2ème Prêtre / 1er Homme armé CHRISTOPHE BERRY
Les Enfants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône AXEL BERLEMEONT, UGO CUCGGIA, IAN JULLO-GRINBLATT, YOUENN LE MIGNANT, LUCA VOLFIN
Les Enfants sauvages LUCIA CHARRAS, ZOE CIENZO, ANTONIN BESHON, HUGO LANSIAUX, TOM KALIMBADJIAN, BASILE MELIS, ELISA ANDRE
Les Esclaves BRYAN GOMBA, TIBO DROUET, VICTOR SANSANO
Orchestre et Choeur de l’opéra de Marseille
Direction musicale Lawrence Foster
Chef de Choeur Emmanuel Trenque
Directeur de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône Samuel Coquard
Mise en scène Numa Sadoul
Décors et costumes Pascal Lecocq
Lumières Philippe Mombellet
Marseille, le 24 septembre 2019
Pour l’ouverture de la saison 2019/2020, l’Opéra de Marseille a choisi de présenter “La Flûte enchantée” le dernier Siegspiel de Wolfgang Amadeus Mozart. Toujours très appréciée par un public divers, cette oeuvre remplit les salles à coup sûr. A la fin de sa vie, Mozart mène de front deux oeuvres créées à 24 jours d’intervalle. La Clémence de Titus, et La Flûte enchantée créée à Vienne au Theater auf der Wieden le 30 septembre 1791. Ce sera un succès. Il est maintenant de notoriété publique que Mozart était franc-maçon et, plus qu’un conte, cette oeuvre relate un parcours initiatique ; c’est ce côté là que le metteur en scène Numa Sadoul a choisi d’exploiter tout en faisant ressortir les traits de caractère du compositeur qui aime à mélanger le sérieux et l’humoristique. Symboles, humour et magie illustreront cette interprétation sans mettre d’accent toutefois sur le côté onirique, avec un jeu d’acteurs bien réglé mais assez statique qui confirmera le sérieux exprimé par le choix des costumes. On touche ici à l’opéra seria, tout est à l’unisson donnant à cette version une unité que l’on retrouve dans les voix aussi bien que dans la partie orchestrale. Ennuyeux ? pas vraiment, Mozart est présent de la première à la dernière note avec ses phrases musicales, ses changements de tempi et ce style incomparable qui transcende ce visuel un peu sombre. Le metteur en scène joue les contraste : le noir et le blanc, le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, le sérieux et l’humour mais toujours avec mesure. Trop peut-être ? Pascal Lecocq prend en charge les décors et les costumes dans une certaine unité aussi. Les roches grises du premier acte se transforment, au deuxième acte, en une construction plus élaborée mais pas véritablement achevée dont l’ouverture sur le ciel laisse entrer une certaine lumière avec des rais plus ou moins clairs. Du côté des costumes, rien de très original. stricts costumes pour le choeur, noirs pour les hommes, blancs pour les femmes agrémentés par les tablier maçonniques. Il en sera de même pour les trois Dames et la Reine de la Nuit qui se différencie par un large chapeau de lumière. Papageno et Papagena se partagent le même tissu blanc où sont imprimés les oiseaux bleus de twitteur. Redingote pour lui, jupon ajouré en forme de cage pour elle, agrémenté d’un nid rempli d’oeufs en guise de chapeau. Le côté fable est rendu par les costumes des enfants qui passent du Schtroumpf à Harry Potter ou Tintin et les deux Dupont…Seuls Tamino et Pamina seront vêtus de superbes costumes indiens dans des tons dorés. Des tabliers maçonniques viendront différencier Sarastro (Grand Maître) des apprentis et compagnons. Le gris domine dans les éclairages conçus par Philippe Mombellet avec quelques teintes bleutés ou plus blanches venues de l’extérieur. Unité donc dans cette conception qui nous montre un Mozart devenu plus posé et plus sage au soir de sa vie. Du côté des voix nous sommes emplis des mêmes sentiments. Pas de grande voix dominante, mais une unité de style et de musicalité qui enveloppe cette interprétation. Anaïs Constans, Madjouline Zerari et Lucie Roche, nous enchantent dès le début avec des voix aux timbres harmonieux qui se fondent tout en se laissant distinguer dans un seul phrasé, un seul style, un seul souffle n’excluant ni rythme, ni projection. Chacune de leurs interventions est un moment de grâce. Si le rôle de Papagena est assez court, il suffit à Caroline Meng pour faire apprécier sa voix profonde et chaleureuse et donner l’envie de l’écouter plus longuement. Amusante dans son rôle de composition, sa transformation n’en est que plus remarquée. Bien que le costume de la Reine de la nuit ne soit pas des plus féériques, Serenad Uyar arrive à faire crépiter les applaudissements par le seul mérite de sa voix dans son air “Der Hölle Rache” qu’elle interprète avec force et justesse après avoir déjà séduit l’auditoire en chantant “O Zitte Nicht”. Une voix qui peut se faire dramatique autant qu’aérienne pour un rôle qui demande une tessiture très étendue allant du ré grave aux contre-fa lumineux. La Pamina de Anne-Catherine Gillet est plus effacée dans cette mise en scène, laissant ainsi la femme dans la position indiquée dans le livret. Bien que destinée à Tamino, elle doit rester dans sa condition de femme. La voix de la soprano, un peu tendue, est claire, pure et homogène malgré un vibrato légèrement serré. Une belle pureté de style lui permet de superbes duos aussi bien avec Tamino, qu’avec Papageno. Anne-Catherine Gillet est ici une tendre et jolie Pamina. Cyrille Dubois est un Tamino à la voix assurée, claire et bien placée, mais la mise en scène le laisse un peu statique, comme désorienté par toutes ces aventures. Tout en projetant sa voix il chante avec délicatesse dans un joli style qui laisse percevoir ses doutes et ses hésitations et forme avec Pamina un couple plein de fraîcheur. Si la voix de Philippe Estèphe n’est pas des plus puissantes, il est un Papgeno sans reproches. Vif et se déplaçant bien, il donne vie et relief à son personnage dans un jeu sensible et intelligent. Sa voix agréable, homogène, juste et bien placée donne à son chant les inflexions changeantes du rôle tout en gardant le moelleux de son timbre de baryton. La voix de basse profonde de Wenwei Zhang procure autorité et prestance à Sarastro. Personnage monolithique et voix d’outre tombe, il est ce grand Maître très obéi. En place vocalement et rythmiquement, Loïc Félix est un Monostatos plus amusant qu’inquiétant. Vif et agile, il chante dans une voix de baryton vaillante et homogène. Très beau duo chanté à pleines voix par le baryton basse Guilhem Worms et le ténor Christophe Berry dont les deux timbres s’accordent dans un phrasé très musical. Frédéric Caton donne noblesse et prestance à l’Orateur. Les trois enfants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône forment ici un trio remarqué. Rythme, justesse et voix projetées, les trois garçons seront très applaudis. Il est à noter la belle prestation du Choeur de l’Opéra de Marseille préparé par Emmanuel Trenque qui a su faire ressortir l’homogénéité du Choeur masculin. Il faut ici saluer le magnifique travail du maestro Lawrence Foster qui a marqué de son empreinte toute la partie musicale. Loin de céder à la mode actuelle qui veut que l’on joue vite et fort, le maestro prend le parti des tempi mesurés qui laissent l’orchestre jouer et trouver cette unité de son que l’on remarque dans chaque phrase. Nuances, phrasé, couleurs, soutien des chanteurs, tout est là dans un style impeccable où tout est pensé. Une mention toute spéciale aussi pour Jean-Marc Boissière, flûtiste soliste de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille qui fait résonner le son de la flûte dans des solos d’une grande pureté. Très applaudie cette représentation a enchanté le public. Photo Christian Dresse