Festival d’Aix-en-Provence 2021: Klaus Mäkelä & Daniel Lozakovich en concert

Grand Théâtre de Provence, saison 2021
Orchestre de Paris
Direction musicale Klaus Mäkelä
Violon Daniel Lozakovich
Maurice Ravel: Pavane pour une infante défunte (1910)
Max Bruch: Concerto pour violon et orchestre No1 en sol mineur, op.26 (1866); Antonin DvoraK: Symphonie No9 en mi mineur, “Du Nouveau Monde” op.95 (1893)
Aix-en-Provence, le 13 juillet 2021
Concert d’exception au GTP d’Aix-en-Provence en cette soirée du 13 juillet avec un programme éclectique, passant d’une œuvre à une autre sans transition, la musicalité servant de lien, sous la baguette inspirée de Klaus Mäkelä. A tout juste 25 ans, ce jeune chef finlandais, violoncelliste de formation, semble avoir déjà une longue carrière derrière lui et l’on se doit de dire que ce soir, il nous a réellement impressionnés. Décontracté, souriant, il change de partition, de compositeur tout en conservant son style et sa propre vision de la musique. Dans un tempo sans lenteur, le cor solo, d’un son délicat, fait résonner les premières notes que Maurice Ravel a composées pour cette “Pavane pour une infante défunte”. Créée en 1898 pour le piano, elle sera orchestrée pour tard par le compositeur lui-même. Il émane de cette danse, lente et grave, une mélancolie, un charme dus sans doute au choix des instruments solistes. Avec beaucoup d’élégance, des gestes amples et une baguette que l’on sent attentive, Klaus Mäkelä transmet son souffle intérieur aux musiciens. La harpe perle ses notes, la clarinette entre dans les sonorités du quatuor qui déploie ses archets, la flûte se fait présente, avec toujours le son du cor en suspension. Un début de concert tout en délicatesse pour un moment hors du temps. Ce concert, placé sous le signe de la jeunesse, se poursuit avec le concerto pour violon et orchestre de Max Bruch, créé en 1866, avec en soliste le violoniste suédois Daniel Lozakovich, tout juste 20 ans, figure d’ange et jeu éthéré. Il ressort de cette interprétation une délicatesse, un charme, révélant une grande beauté intérieure. S’il existe des œuvres de jeunesse, nous écoutons ici une interprétation de jeunesse ; ce qui ne veut absolument pas dire une interprétation sans relief, mais au contraire qui révèle une pureté d’âme. Sa technique parfaite, avec le soutien de son vibrato, lui autorise des effets de nuances, une main gauche perlée et agile, et de grandes longueurs d’archet qui font sonner la corde grave pour de belles phrases musicales. Un troisième mouvement plus nerveux, avec des attaques sonores au talon, fait ressortir le tempérament de ce jeune violoniste comme un éveil aux sentiments, au romantisme. Une interprétation délicate, dirigée par un chef d’orchestre qui suit le soliste sans lui imposer sa propre vision du concerto, mais en laissant les musiciens écouter et répondre au violoniste. Une ovation, des rappels qui amènent en bis “l’Allemande de la partita No2 de Jean Sébastien Bach, tout en délicatesse dans une grande pureté de style, l’articulation donnée par l’archet faisant ressortir les notes graves sans trop appuyer. Une Partita de Bach en toute simplicité interprétée par un jeune violoniste qui a gardé la pureté de la jeunesse. Daniel Lozakovich joue sur l’un de ses deux violons Stradivarius. La Symphonie du Nouveau monde d’Antonin Dvorak, créée en 1893, allait donner l’occasion à Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris de nous entraîner vers des cultures différentes et des sonorités venues d’ailleurs dans des thèmes folkloriques. Klaus Mäkelä, qui deviendra le directeur musical de l’Orchestre de Paris en septembre 2022, semble déjà fusionnel avec les musiciens de cet orchestre. Un orchestre qui sonne ce soir prodigieusement. Si les gestes du maestro sont amples, point n’est besoin pour lui de forcer sur le côté théâtral, la musique et le talent sont suffisants. Energie, longueur d’archets, accords puissants, le chef d’orchestre a su trouver une homogénéité des sons que l’orchestre conservera dans chaque mouvement, chaque changement d’atmosphères dans des couleurs différentes. Couleurs champêtres, folklore des chants, couleurs des divers instruments. L’écriture est si précise, si imagée qu’elle se suffit à elle-même, mais tout l’art du chef d’orchestre est d’avoir su magnifier l’orchestre, transcender la musique, et c’est en cela que Klaus Mäkelä nous a impressionnés. Décontracté dans sa gestuelle mais d’une grande précision, il change les atmosphères allant d’un fortissimo, avec timbales à faire trembler le monde nouveau, à un chant apaisé ou à une joie qui se transmet à l’orchestre ; joie du hautbois, nostalgie du cor anglais, réminiscences…Le chef d’orchestre fait attendre les temps mais fait venir les sons, sons des cuivres comme un choral. L’on sent l’Amérique vibrer, respirer, et l’on s’est laissé emporter au loin avec bonheur au fil de ces paysages changeants. Un orchestre flamboyant, heureux de jouer, de suivre un chef qui a su entraîner chaque musicien dans une communion parfaite tout au long de cette magnifique symphonie qui n’a laissé personne indifférent. Un public conquis qui se lève pour ovationner chef et orchestre dans de longs applaudissements. Un concert qui fait chaud au cœur dans cette période tendue. Un orchestre qui a trouvé son maestro et que nous attendons impatiemment retrouver ensemble. Un immense bravo ! Photo © Vincent Beaume