Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, saison 2023
Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI
Direction musicale Fabio Luisi
Soprano Gun-Brit Barkmin
Gala Richard Wagner
Lohengrin: Acte I, Prélude; Tannhäuser: Acte I, Ouverture;
Tristan und Isolde: Acte III, Prélude; Acte III, Mort d’Isolde;
Parsifal: Acte III, Enchantement du Vendredi saint; Götterdämmerung (Le Crépuscule des dieux): Acte III, scène 3: Immolation de Brünnhilde
Aix-en-Provence le 8 avril 2023
En cette soirée du 8 avril le concert du Festival de Pâques était dédié à la musique de Richard Wagner. Cette musique séduit toujours autant et, très nombreux sont les fans de par le monde qui n’hésitent pas à aller jusqu’à Bayreuth pour l’entendre dans les meilleures conditions. Nous nous réjouissions donc d’écouter ces morceaux choisis parmi les plus célèbres. Mais, oserons-nous le dire, nous sommes restés un peu dubitatifs. Pourquoi Fabio Luisi, chef italien, à la tête d’un orchestre italien, a-t-il choisi Wagner ? Loin de nous l’idée qu’un orchestre italien ne puisse pas bien interpréter la musique allemande, mais le chef d’orchestre n’aurait-il pas été plus inspiré par des compositeurs italiens ? Fabio Luisi, toujours élégant et énergique dirige sans baguette ; sans doute le Prélude de l’acte I de Lohengrin sera-t-il plus évanescent ainsi ? Le tempo lent s’accorde avec cette gestuelle délicate mais les sons piano joués sur un crin des archets ont du mal à s’installer. Cette page magnifique à l’atmosphère éthérée garde toute sa magie et nous procure tout de même de belles vibrations. Mais alors, pourquoi cela ne prend-il pas vraiment ? Trop de reprises d’archets enlevant une certaine longueur de souffle, trop de puissance dans certains crescendi ? Avec les bonnes respirations qui retiennent un peu les notes, les violons trouveront une unité de son dans le long piano étiré qui termine ce Prélude délicat. L’Ouverture de Tannhäuser expose les thèmes de l’opéra avec ampleur, vigueur et sensibilité. Dans ce tempo allant le chef d’orchestre laisse sonner les cuivres pour une marche, que l’on voudrait un peu plus lente, avec une rondeur de son qui se remarque dans la phrase lyrique au forte engagé. Sur un mouvement perpétuel des cordes et un grand allargando, les trompettes triomphent. Selon le compositeur l’orchestre doit tout dire et c’est ce qu’il fait en installant le repentir et la rédemption en leitmotive. Trop souple cette direction ? Le maestro ne semble pas réussir à faire corps avec son orchestre. Le Prélude de Tristan und Isolde de l’acte III sera suivi par La mort d’Isolde interprétée par la soprano allemande Gun-Brit Barkmin. Dans une belle phrase musicale qui réussit à créer l’atmosphère avec ces respirations qui appellent les notes au fond des temps, la chaleur sonore des violoncelles ouvre ce prélude. Si l’on remarque quelques accents un peu trop appuyés, le son lumineux du hautbois s’élève avant de s’évanouir dans les sons graves de la clarinette basse, rendant palpable la religiosité de l’œuvre. Dans un piano mesuré et de belles respirations, Gun-Brit Barkmin chante cette mort d’Isolde avec ferveur et intensité. Sa voix sonore de soprano dramatique projette des aigus solides et tenus dans un vibrato agréable; avec de belles prises de notes sans dureté, le soutien du souffle lui permet ces pianissimi qui rendent sensible cette Isolde jusque dans sa mort malgré un accompagnement un peu fort qui s’atténuera sur une longue tenue de flûte. Si Richard Wagner est dans une période assez faste lorsqu’il compose son Parsifal, il n’en reste pas moins obsédé par des questions existentielles. Ces interrogations: à quoi sert la connaissance, pouvons-nous espérer…l’amèneront à se tourner vers la religion et, c’est dans ce tumulte intérieure qu’il composera cette page magnifique aux sentiments élevés qu’est l’Enchantement du Vendredi saint. Dans un tempo allant, cors, violons et harmonie laissent la place à la flûte qui s’envole dans une sorte de mystère divin et, en parfaite communion, l’orchestre laissera ressortir les instruments solistes sur de longues phrases d’une grande pureté au son d’une clarinette nostalgique qui conduit vers la lumière. Les différentes tonalités sont autant de questions que se pose le compositeur. La direction plus intériorisée de Fabio Luisi rend assez bien les sentiments exprimés par la musique de Richard Wagner qui, dans un crescendo maîtrisé, laisse passer, de pupitre en pupitre, le chant douloureux des violons et les harmonies du cor solo dans un Enchantement perceptible. Un long accord joué piano termine cette page d’une grande intensité musicale. Gun-Brit Barkmin revient nous interpréter, sur une belle longueur de voix, l’Immolation de Brünnhilde, la scène 3 du troisième acte du Crépuscule des dieux, cette page éminemment dramatique où la tessiture et l’ampleur de voix de la soprano ont à lutter contre un orchestre déchaîné où les tubens viennent étoffer le son des cors. C’est avec sensibilité et quelques notes d’espoir qu’elle évoque Siegfried avant de monter sur Grane, son cheval, et s’élancer dans les flammes pour le rejoindre. Mais c’est l’énergie qu’elle projette dans ses aigus clairs et charpentés qui impressionne le plus. Avec de beaux moyens vocaux qui n’excluent pas une certaine violence, Gun-Brit Barkmin laisse vibrer sans faiblir les couleurs de son soprano dramatique dans des phrasés mélodieux ; c’est sans doute dans cette fin du Crépuscule des dieux que l’orchestre sera le plus mis en valeur avec des nuances crescendo, decrescendo et des forte où l’unité de son sera enfin trouvée. La musique de Richard Wagner garde sa magie en toutes occasions et, si l’Orchestre Sinfonica Nazionale de la RAI n’a pas su développer cette puissance harmonique, la musique était là même si Wagner était parfois absent. Une soirée agréable où Brünnhilde a su capter l’attention du public.