Marseille, Théâtre de l’Odéon: “La cage aux folles”

MarseilleThéâtre de l’Odéon, saison 2023/2024
“LA CAGE AUX FOLLES”
Comédie musicale en 2 actes, d’après la pièce de théâtre de Jean Poiret et la comédie musicale de Jerry Herman.
Anne MARLENE CONNAN
Marie Dindon CAROLE CLIN
Albin/Zaza FABRICE TODARO
Georges REMY COTTA
Jean-Michel JULIEN SALVIA
Edouard Dindon JEAN-CLAUDE CALON
Jacob THORIAN-JACKSON DE DECKER
Francis JEAN GOLTIER
Orchestre : ANDRE GOBATTO, GILLES DAVID, PHILIPPE PERATHONER, EDDIE TALLET
Ballet: PRISCILLA BEYRAND, ELPHEGE BODEREAU, AZZURRA BUBANI, CHIARA GIANNINI, MATTEO CATALANI, SAMUELE BABINI, SEBASTIEN JACQUEMIN, JACOPO VIOLI
Co-direction musicale Christian et André Mornet
Mise en scène et chorégraphie Serge Manguette
Création des décors Théâtre de l’Odéon
Costumes Opéra de Marseille
Nouvelle production, création à Marseille
Marseille, le 21 octobre 2023
Quand la comédie musicale investit la Canebière reprenant “La cage aux folles”, pièce de théâtre au prodigieux succès, écrite par le comédien Jean Poiret et créée à Paris au Théâtre du Palais Royal en 1973, Jerry Herman met en musique et crée, au Palace Theater de Broadway, la comédie musicale “I am what I am” en 1983. Et c’est aussi un foudroyant succès. Après une telle consécration, il semblait difficile, voire osé, de reprendre cette comédie musicale pour la jouer au Théâtre de l’Odéon à Marseille. Mais, après tout, pourquoi pas ? Et c’est une réussite ! Tout ce qui a fait la renommée de la pièce initiale est repris, les gags, les allusions, le comique de situation, avec une grande finesse, sans exagération et sans jamais tomber dans la caricature. Le comédien Fabrice Todaro réécrit et traduit le texte avec talent, laissant la co-direction musicale à Christian et André Mornet. Le rythme, la joie qui illustrent les chorégraphies mais aussi la sensibilité et la nostalgie de certains chants vont donner à cette représentation le charme et les envolées qui toucheront le public. La musique est remarquable malgré un orchestre réduit, 4 musiciens simplement, mais terriblement efficaces: André Gobatto, Gilles David, Philippe Perathoner, Eddie Tallet. Des accords sonores, des accents jazzy ou romantiques, des rythmes endiablés pour le coté music-hall participent de ce succès et nous transportent à Broadway dès les premières notes. Le sujet pourrait paraître délicat, mais traité avec une grande intelligence il fait sourire, rire aux éclats ou émeut. Un couple d’homosexuels, Georges et Albin, dirige un cabaret de travestis à St Tropez où Albin chante et danse sous son nom d’artiste: Zaza. Tout va pour le mieux quand, patatras, débarque Jean-Michel le fils de Georges qui, voulant se marier doit présenter sa future belle-famille à la sienne. Evidemment il a un peu menti et a occulté “La cage aux folles” ce cabaret bien connu. D’autant que son futur beau-père, homme politique qui veut se faire élire, est lui bien connu pour représenter un parti d’une grande rigueur sur la morale et la famille. Problème ! Anxiété, gags, mais aussi joies exaltées et bonne humeur, sans oublier les moments de tendresse, rythmeront ce récit. Peu de décors mais efficaces. Fabrice Todaro est ici Albin/Zaza et passe avec brio de la meneuse de revue au compagnon de Georges qui a tendrement veillé sur Jean-Michel. Il chante d’une voix timbrée de baryton I am wath I am, esquisse quelques pas de danse, émeut et dévoile ses dons de comédien jusque dans la scène d’anthologie de la bicotte, cette biscotte qui se casse dès qu’il la tient avec plus de virilité. D’une justesse et une finesse d’interprétation si rare dans chaque registre qu’il force l’admiration et appelle les bravos. Rémy Cotta est Georges, son compagnon, qui voudrait faire plaisir à son fils, tout en sacrifiant un peu Albin. Mais l’amour, l’affection, triomphent de tout. Dans un jeu sobre, intelligent et d’une voix claire au timbre coloré il chante l’air du bon temps, nostalgie, tendresse ou Regarde un peu, s’adressant avec reproche à son fils pour finir sur une morale: Amour, compréhension, respect des autres et de soi-même, qui portera ses fruits. La complicité palpable entre Georges et Albin qui émeut résistera aux tempêtes. Julien Salvia est Jean-Michel, ce fils un peu égoïste, qui réalisera combien la peine est douloureuse à qui on l’inflige. Physique de jeune premier, voix percutante “Avec Anne dans mes bras…” Elégance dans ses pas de danse, le portrait de la jeunesse amoureuse. Anne, c’est Marlène Connan, grâce juvénile, jeu expressif, pas de danse agiles, un rayon de lumière qui affronte ses parents: Carole Clin et Jean-Claude Calon, Marie et Edouard Dindon. Austères, certes, dans leurs postures bien pensantes, mais qui se laisseront prendre au jeu de la joie ambiante lorsque les masques seront tombés. L’on ne peut que saluer le jeu de Thorian-Jackson De Decker pour un Jacob virevoltant et plein de charme. Corps sculpté dans du bois d’ébène, jouant du plumeau avec son petit tablier de soubrette, mais remplaçant la Joséphine Baker de La Revue nègre créée au théâtre des Champs Elysées en 1925 et qui fit scandale alors qu’elle apparaissait vêtue d’une ceinture où étaient accrochées des bananes. Alerte, bien dans son rôle, il danse, chante, occupe la scène avec bonheur. On apprécie aussi chaque intervention de Jean Goltier pour un Francis joué avec justesse et allant. Mais le succès n’aurait pas été complet sans le concours des 8 danseurs et chanteurs dont l’efficacité laisse ressortir le talent. Vêtus de robes à paillettes, longues ou charleston, de guêpières, de plumes et portant perruques colorées, Priscilla Beyrand, Elphège Bodereau, Azzura Bubani, Chiara Giannini, Mateo Catalini, Samuele Babini, Sébastien Jacquemin, Jacopo Violi descendent l’escalier digne des “Folies bergères”, font un numéro de claquettes, chantent et dansent jusqu’au french cancan avec grand écart. Numéros réglés à la perfection par Serge Manguette qui signe aussi la mise en scène. Sous une grande cage dorée, les costumes flamboyants et les lumières bien imaginées font de ce spectacle une réussite totale auquel on pensera longtemps avec plaisir. A voir et à revoir les jours de moral en berne. Un Final bissé, trissé et plus tant le public était enthousiaste. Photo Christian Dresse